L’auteur et illustrateur Gilles Bachelet et le romancier Luis Sepúlveda mettent en scène tous deux des escargots rigolos. Coïncidence ? Dans un registre humour, tendance poil à gratter pour Le Chevalier de Ventre-à-Terre et sur le mode du conte philosophique pour Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur, les deux gast-héros-podes nous livrent un message très air du temps : « Souriez… Ra-len-tis-sez ! »
Le Chevalier de Ventre-à-Terre
Gilles Bachelet
Seuil jeunesse, 36 p.,15 €
Au premier chant du coq, le chevalier de Ventre-à-Terre ouvre un œil et s’exclame : « Pas une minute à perdre ! Pas une minute à perdre ! » C’est la guerre. L’armée du chevalier de Corne-Molle, son ennemi juré, a envahi hier son carré de fraisiers. L’affaire ne peut se régler que par une bataille sans merci.
Cet album grand format commence par une déclaration de guerre. Déjà vu ? Non. Car celui qui prononce ces paroles est un preux chevalier… escargot.
On rit déjà sous heaume à la vue du mollusque moelleusement allongé sous la couette de son lit à baldaquin, enlacée avec sa douce gluante.
Voici notre général des armées se préparant à la guerre : petit déjeuner éléphantesque, exercices musculaires tout en lisant le Figargot (sic), bain chaud pour se récurer la coquille et enfilage de la lourde armure…
Vite-fait quelques messages made in Moyen-Age avec smileys et icônes d’époque (hilarant !). Et voilà notre héros sur le départ… enfin pas tout-à-fait, il allait partir sans embrasser ses enfants ! Lalala, la bavure.
On l’aura compris, hâtons-nous de ne pas nous presser. Et la statue érigée à Saint-Procrastin (toute ressemblance avec un autoportrait de l’auteur…) dans le bureau de notre chevalier de la paresse donne le ton. Oui, il regagnera le champ de bataille, mais pas ventre-à-terre…
En chemin, il sauvera une jeune donzelle enfermée dans une tour, combattra un (coq) géant, indiquera son chemin à une jeune bête à cornes encapuchonnée de rouge… bref, les clins d’œil au contes sont pléthores et on rigole à l’avance d’imaginer ce que donnera l’assaut. Ouf, toutes les armées sont fin prêtes, la bataille peut commencer, à moins que ce ne soit l’heure… de la pause déjeuner.
Après des albums inoubliables tels Mon chat le plus bête du monde, Champignon Bonaparte ou Madame le lapin blanc, Gilles Bachelet comme à son habitude prend le contre pied d’un sujet pour mieux nous parler de nos petits travers. C’est donc un hommage à la non précipitation et à la procrastination qu’il nous livre avec son gastéropode très consciencieux. Faites ripailles, pas la guerre ! Pourrait être l’autre titre de cette fantaisie. Petits et grands ne se lasseront pas face à la profusion de détails truculents de cette aire de pique-nique géante, je veux dire de ce vaste champ de bataille.
Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur
Luis Sepúlveda, illustré par Joëlle Jolivet
Métailié, 96 p., 12,50 €
C’est pour son propre fils que le romancier Luis Sepúlveda commença à écrire des contes pour enfants. Et il continue pour notre plaisir à tous. Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler est devenu un classique, j’avais beaucoup aimé Histoire du chat et de la souris qui devinrent amis et ce nouvel opus est aussi réussi.
Sous l’acanthe touffue vivait une tribu d’escargots. Ou plutôt un troupeau car nos petites bêtes de grignoter de concert glissant de feuilles en feuilles sans trop travailler du ciboulot, avouons-le.
Tous ? Sauf un. Un irréductible escargot qui se posait beaucoup trop de questions : « Pourquoi n’avons-nous pas de nom ? », « Pourquoi sommes-nous si lents ? »… A force de s’interroger, ses confrères en ont ras les cornes et l’incitent à aller voir ailleurs si la chlorophylle n’est pas plus verte. Et voici notre grand incompris parti pour un grand voyage, à modeste allure, en quête de réponses.
En chemin, il rencontrera une tortue fort sage, un hibou mélancolique, une taupe froussarde, des fourmis débordées… et glanera quelques réponses utiles pour la survie du clan. Par la même occasion, il reviendra, en héros sauver ses ingrats de collègues bien contents d’avoir trouvés plus curieux et surtout plus courageux qu’eux. Lent ? Oui, mais fier de l’être.
Un conte savoureux à offrir à nos petits pour leur donner envie de prendre le temps de regarder autour d’eux.
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