Quand Beatrice Alemagna s’empare d’un sujet, c’est toujours avec son regard tendre, original et plein de tolérance. Ses Cinq Malfoutus nous parlent de façon espiègle de l’importance de nous accepter tels que nous sommes. Dans un monde qui pousse à la perfection, l’auteur illustratrice italienne aide nos enfants à accepter leur singularité, leurs petits défauts et, pour ça, on a envie de l’embrasser.
Les personnages de Beatrice Alemagna sont comme son style, fantaisistes et joyeux ! Faits de bric et de broc, de crayons de couleur, de papiers découpés, de collages, de superpositions légères et bien à elles. De drôles de bonhommes, attachants et biscornus : ils ne ressemblent à rien ces Cinq Malfoutus, sauf à eux-mêmes ! Et c’est tout le propos du livre.
Ils étaient cinq. Cinq êtres mal foutus.
Le premier était troué, avec des trous béants au milieu du ventre.
Le deuxième était plié en deux comme une lettre à poster.
Le troisième était mou, toujours fatigué et endormi.
Le quatrième était né à l’envers,
Nez en bas et pieds en l’air.
Et le cinquième, comment dire ?
(…)
Long comme un limaçon, le premier a le corps troué, le deuxième, un plumeau sur la tête, une large cape de papier. Le troisième mollasson roupille toute la sainte journée, le quatrième hyperactif, fait de joyeuses acrobaties quant au petit dernier, tout noir, tout rebondi, il déplace son gros corps comme il peut…
Dans cette bicoque toute de guingois, conscients de leur imperfection, ils pratiquent un peu le rien et beaucoup l’autodérision, se demandant, en se bidonnant qui sera le plus mal foutu des cinq ! Se faisant, ils s’accommodent ensemble et la vie coule imparfaite et douce. Jusqu’au jour où…
… venu de nulle part arriva un type extraordinaire
Un bellâtre à la chevelure rousse débarque dans la maison de nos Malfoutus. Les voilà tous ébahis devant ce corps lisse et droit, cette longue chevelure de star.
Que faites-vous ici ? demanda le Parfait
Bof, rien, on rate tout,
Répondirent les cinq amis en souriant.
« Rater » ne fait pas partie du vocabulaire du Parfait. Alors chacun se creuse les méninges pour trouver une idée, faire quelque chose qui le comblerait… oui mais quoi ?
L’empêcheur de tourner en rond constatant leur nullité se met à râler, rien n’est donc possible ici !
Nos amis commencèrent à se demander si le Parfait ne serait pas plutôt un parfait râleur, un « jamais content » ? Dans un soubresaut de dignité, les cinq Malfoutus constatent un à un que chacun de leur défaut comporte sa qualité :
Pour le « Troué »
Je ne me fâche jamais, la colère me passe au travers.
Pour le « Renversé »
Moi, je vois des choses que d’autres ne voient pas.
Pour le « Raté »
« Moi qui rate tout, quand je réussis quelque chose c’est la fête ! »
Et voilà nos cinq brinquebalants partant, bras dessus bras dessous, hilares comme larrons en foire, forts de leur amitié, juste heureux d’être là à faire des pirouettes, tandis que Môsieur Parfait reste dépité devant tant de désinvolture.
Doit-on se satisfaire de ce que l’on est ?
Accepter ce que nous sommes en apprenant à aimer nos menus travers ?
C’est un joli conte philosophique qui se cache derrière ces Cinq Malfoutus.
Beatrice Alemagna – dont j’avais tant aimé La Gigantesque petite chose – aurait pu intituler son album Imparfaits, libres et heureux, comme l’excellent ouvrage du médecin pyschiatre Christophe André. Pas de guide de développement personnel ici, mais un album d’une grande simplicité, espiègle et lumineux, qui nous enseigne à être fiers d’être ce que nous sommes, avec nos petits défauts, brinquebalants, chaotiques, en un mot : uniques.
Visiter le site de Beatrice Alemagna et voir un extrait animé de l’album ici.
Les Cinq Malfoutus
Beatrice Alemagna
Helium
32 pages, 14,90 €
Dès 4 ans
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