Doit-on un jour se séparer de ce qui a fait nos meilleurs moments de jeux ? Dans leur nouvel album, Sylvain de Sylvanie, Didier Lévy et Eloïse Scherrer dressent un hymne à l’imaginaire, parce qu’il n’y a que ça de vrai.
« Ce capharnaüm, cette caverne d’Ali Baba, c’est la chambre de Sylvain. Et vraiment, ça ne peut plus durer comme ça. Ses parents lui ont demandé (ordonné, plus précisément) de mettre au grenier tous les trucs avec lesquels il ne jouait plus. »
Cela commence comme un grand classique. Un enfant doit ranger sa chambre, se débarrasser de quelques vieilleries à remiser au grenier. Mais voilà, l’appel du vieux cheval de bois est plus fort que tout. « Et si on partait une dernière fois à l’aventure, Charlemagne ? », suggère Sylvain à son fidèle destrier blanc. Hop, ni une ni deux, les voilà bondissant par la fenêtre, direction la Sylvanie !
Bien sûr, il y a de l’action, en Sylvanie. Les Chevaliers de la Mort-Rouge armés jusqu’aux dents les attendent de pied ferme, les dragons ailés brûlent tout sur leur passage et les cascades sont vertigineuses. Bref, on tremble pour Sylvain. Tout logiquement le garçonnet vif et malin devrait revenir chez lui, sain et sauf, manger un bon dîner… tout chaud – comme un certain Max*.
Oui mais, l’originalité de cet album nous embarque un poil de crin plus loin. Il ne s’agit pas seulement d’embarquer le lecteur dans l’évasion salutaire des jeux d’enfants. Car dans son périple, Sylvain fait une rencontre. Lui-même. A travers la figure d’un vieil écrivain qui se réchauffe auprès d’un feu de bois dans la forêt de ses songes, le garçon découvre le bonheur de s’y promener et, surtout, le droit d’y revenir souvent. Comme un rendez-vous régulier à ne pas manquer avec soi, une zone poétique et imaginaire à travailler comme un muscle. Le vieil homme lui confie les secrets et les bienfaits d’entretenir ses rêves. D’ailleurs ils sont nombreux ici, poètes, scientifiques, curieux de tout poils à s’y égarer… alors pourquoi pas Sylvain ? Et pourquoi pas nous ?
Didier Lévy est un conteur hors-pair, il nous embarque dans ces interstices que seule l’enfance sait fabriquer. Evadez-vous par la fissure du plancher, le trou de la serrure ou par la lucarne du grenier et construisez vos rêves, semble crier Sylvain au petit lecteur. Et c’est un beau cadeau, aussi simple à enfourcher qu’un cheval de bois, que fait Didier Lévy à nos têtes blondes d’aujourd’hui, sursollicitées par les écrans, de leur faire prendre conscience et soin de cette richesse que l’on porte en soi : le pouvoir de l’imagination.
Et qui de mieux pour illustrer cette aventure qu’Eloïse Scherrer dont on avait déjà savouré La Bulle sur un texte de Timothée de Fombelle, dans une thématique proche. Quand on lit sa présentation sur son site de « chercheuse au CRRM – le Centre de Recherche en Réenchantement du Monde », on se dit qu’elle seule pouvait créer la Sylvanie… elle y vit ! L’illustratrice déploie ici sa facture classique et son talent dans une palette de feu et de nuit pour mieux nous faire rêver. Alors, prêts à bondir vous aussi ?
Sylvain de Sylvanie
Didier Lévy, Eloïse Scherrer
38 p., Sarbacane, 17,50 €
(dès 4 ans)
Le site d’Eloïse Scherrer
*En référence à Max et les Maximonstres de Maurice Sendak (l’école des loisirs)
Laisser un commentaire