Le Salon du livre de jeunesse de Montreuil lui a consacré un espace dédié où les tout-petits évoluaient au milieu de ses Imagiers à toucher et pour jouer, reproduits à leur hauteur. Rencontre avec la plasticienne Pascale Estellon qui crée des livres d’activités aux éditions des Grandes personnes. Des images qui rappellent les univers de Bruno Munari ou de Tana Hoban et qui donnent envie aux enfants de dessiner à leur tour.
Vous avez suivi des études à l’Ecole Boulle, section Architecture intérieure, pourquoi vous êtes-vous orientée vers le livre ?
J’ai le diplôme, mais je n’ai jamais exercé. Il faut dire que la grande échelle de l’architecture m’affolait un peu ! Et surtout, j’aimais l’image, le texte et le rapport des deux. J’ai commencé à travailler dans une orfèvrerie où je gravais des chiffres et des initiales sur des pièces d’argent massif. Je voulais créer des bijoux, mais j’ai rencontré Mila Boutan (fondatrice des éditions Mila, ndlr), c’est comme ça que je suis arrivé dans le livre. Je faisais des cahiers d’activités à partir de ses idées. A l’époque c’étaient des projets d’avant-garde, assez tourné vers l’art contemporain. J’ai connu le succès avec un album, Les comptines de Grigrigrocha, qui comportait des masques à créer à la fin. Il y a toujours eu quelque chose pour jouer dans mes livres !
Puis à partir de 2001, j’ai décidé de travailler en tant qu’illustratrice indépendante, d’abord pour le Seuil, puis Panama et enfin, toujours avec mon éditrice Brigitte Morel, chez Les Grandes Personnes.
Pourquoi cet appétit pour le livre d’activité ?
J’aime les choses interactives. A l’école, j’étais mal à l’aise. J’aimais inventer des mondes. Quand on dessine, on ne sent pas le temps passer. Alors créer des livres, pour moi c’est une façon d’offrir quelque chose de joli, il ne faut pas sous-estimer le goût des enfants.
Chez Panama, j’ai commencé avec Portraits à créer et Animaux à créer. Brigitte Morel m’a demandé si je voulais faire un cahier d’activités et j’ai été tout de suite intéressée. Cela a donné Mon premier livre d’activités puis Album de photos à colorier, réalisé uniquement à base de photos. Les enfants interviennent, créent leurs portraits, complètent les images, c’est plutôt pour des 5-8 ans.
On avait aussi commencé à travailler sur un Abécédaire, paru plus tard chez Les Grandes Personnes. C’est un imagier avec des petits volets qui permettent de voir plus que l’image elle-même, comme l’intérieur d’un ananas, par exemple. Pour cet abécédaire, je me suis attachée à créer chaque lettre sur une double page avec, à chaque fois, un univers graphique très différent afin qu’il y ait une vraie surprise à chaque fois. Par exemple pour la lettre J, j’ai représenté un jardin en noir et blanc, et le Jardinier qui devait être mis en valeur, lui, est en couleur. De même, derrière les rabats noirs et blancs, on découvre la Jonquille jaune ou la Jacinthe bleue.
Peut-on parler de projet pédagogique ?
Oui et non, il n’y a rien de scolaire dans mes livres. Mais d’une manière détournée, on apprend quand même des choses, par exemple dans Mon Cahier de peinture pour apprendre les couleurs, on apprend à mélanger les couleurs, comment les utiliser, comment les rendre plus éclatantes, par exemple en les encadrant d’un large bord noir, car selon moi, le noir fait chanter les couleurs.
Mes Cahiers à colorier ont une dimension ludique mais aussi pédagogique dans le sens où c’est une façon de regarder les artistes. Par exemple, il y a des clins d’œil à Niki de Saint-Phalle, à Roy Lichtenstein… C’est une manière de remettre le coloriage dans une activité créative de découverte plus large que du simple coloriage.
Pour la première fois, vous vous essayez au livre pour tout-petits.
Après la série des livres d’activités, Brigitte Morel m’a demandé si je voulais réfléchir à un projet petite enfance. Je n’avais pas spécialement d’expérience dans ce domaine, mais j’aime bien relever les défis ! C’est donc parti comme ça, j’ai regardé ce qui se faisait et j’ai imaginé un projet ludique avec de la matière à toucher, un format adapté aux tout-petits et des images très simples. J’ai enlevé beaucoup d’éléments, pour épurer au maximum. J’ai essayé de penser à mes enfants, petits. J’avais vu ma fille suivre un chemin avec son doigt dans un poème de Grigrigrocha. C’est pour cela que l’imagier commence avec un escargot et une spirale à suivre du doigt. J’essaie de me mettre à leur place et de me raconter des histoires. Au début, c’était presque en noir et blanc, j’ai ajouté ensuite des touches de couleur qui sont imprimées en ton direct et donnent ce rendu éclatant.
Je voulais que ce soit des éléments très sobres, sans texte, sur lesquels on puisse raconter une petite histoire, même si ce n’est pas explicite. L’enfant peut échanger autour de l’image, inventer des petits trucs puisqu’il y a des personnages, les nommer, cela peut-être le frère et la sœur, le papa et la maman, on peut jouer avec tout ça… On descend l’escalier, on entre dans la maison, on regarde par la fenêtre. A la fin, la roue du moulin tourne, pour faire chanter la maman.
Comment sont perçus les imagiers ?
Très bien ! Les enfants arrivent à voir des choses que nous ne voyons pas. Parfois, je montre le livre sur les salons, et les parents ne voient pas tout de suite que la roue tourne ou que le bateau bouge. Les enfants oui. C’est pourquoi, d’instinct, j’ai cherché à provoquer un geste simple.
Le gros carton, la charnière en tissu permet au livre de s’articuler dans tous les sens. Il y a une belle finition. Ce petit livre se met en rond et fait comme un petit manège, on peut mettre des jouets à l’intérieur. Alors, il devient un espace de jeu.
Quelle est votre technique et votre approche artistique ?
Je travaille traditionnellement à la gouache. J’aime les choses assez précises, cela vient peut-être de mon expérience de gravure en taille douce. J’aime bien chercher des choses qui peuvent paraître simples mais que j’aime épurer. Je cherche surtout à leur offrir quelque chose de joli, avec un grand format. J’ai été beaucoup inspirée par le travail de Grégoire Solotareff que je lisais à mes enfants. J’aime son univers gai et coloré, son rapport texte/image, ses personnages impertinents Mathieu, Loulou…
Votre prochain livre ?
La suite de ces deux imagiers, avec un livre en volume à construire.
Imagiers à toucher, Imagier pour jouer
Pascale Estellon, 12,50 €
éd. Les Grandes Personnes
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