Petits et grands, on a tous un petit ou un gros mensonge qui traîne dans un coin de la tête et qu’on regrette… Catherine Grive et Frédérique Bertrand explorent le mécanisme du mensonge avec beaucoup d’acuité, sans nous culpabiliser, pour nous en libérer.
« Quand est-ce arrivé ?
Un jour comme les autres.
Dans un silence, les mots sont sortis tout seuls.
Le soir, en rentrant dans ma chambre, mon mensonge, il m’attendait. »
Cela nous est tous arrivé un jour. On ne sait pas pourquoi, des mots qu’on n’imaginait pas se sont invités, ont bousculé nos pensées, les ont muselées et d’un coup ont pris le pouvoir. Et c’est presque en étrangère que l’on s’est entendue prononcer des mots qu’on n’aurait jamais dû dire.
Voilà, c’est exactement ce qui arrive à cette brunette, un soir à table avec ses parents. Oups… c’est sorti tout seul. Et chose incroyable, c’est passé. Le dîner a continué et ni papa ni maman n’ont vu qu’un mensonge c’était glissé dans la conversation banale de tous les jours. Bah, pas grave alors ! Un petit mensonge de rien du tout… Même pas mal. Pas de quoi en faire une montagne finalement puisque tout le monde y a cru.
Oui mais… le temps du mensonge n’est pas celui qu’on croit.
Pas celui de l’instantané où il est sorti. Non, le vrai temps du mensonge c’est celui qui s’installe et qui tire en longueur. Un temps long qui vous ronge. Car, inévitablement la petite fille y repense, seule dans sa chambre, elle se demande pourquoi ce mensonge ne la quitte pas. Le lendemain, il lui colle aux basques comme un vieux sparadrap, il est là encore et encore, comme un petit nuage rouge de colère au-dessus de sa tête, à moins que ce ne soit le rouge de la honte.
Il la hante ce petit point rouge jusqu’à prendre toute la place. Comme un virus qui s’implante et qui grossit, qui grossit et vous laisse dans un silence blanc, sans voix.
Catherine Grive décortique le mécanisme du mensonge avec beaucoup de malice et de pudeur, en nous plaçant en observateur privilégié. On est dans la tête de cette petite fille, on ne juge pas mais on observe avec beaucoup d’intérêt les effets dévastateurs de ce mensonge, qui comme dans un billard à trois bandes n’en finit pas de rebondir. Au final, on ne saura même jamais de quel mensonge il s’agissait. Peu importe, et c’est même là la grande force du livre.
Et c’est le parti graphique très juste et très évocateur de Frédérique Bertrand d’avoir traduit ce mensonge en petits points rouges, un peu comme une épidémie qui envahirait la tête, le cœur, la chambre d’enfant, jusqu’à prendre tout l’espace, comme un mauvais rêve ou une hallucination psychédélique. Que faire pour résorber cette irruption cutanée de mensonges, à part crever l’abcès ?
Brillant par sa simplicité et son efficacité, cet album évite tout traitement moral et démontre par l’évidence que la première victime d’un mensonge, c’est soi-même. A partager à tout âge !
Voir le site de Frédérique Bertrand et des éditions du Rouergue.
Le Mensonge
Catherine Grive, illustrations Frédérique Bertrand
40 p., Le Rouergue, 16 €
(dès 5 ans)
perrine dit
j’adore les dessins !