Dans son dernier roman pour ados, Anne-Laure Bondoux explore la relation mère-fille, avec son lot de secrets de famille et de révélations. L’Aube sera grandiose, vous voilà prévenus. Le roman vient de remporter le prix Vendredi.
« La fille, c’est Nine, seize ans la semaine prochaine, cinq cent kilomètres de silence au compteur. A travers la vitre, elle observe la nuit et la laideur inquiétante de ce paysage de broussailles, regrettant de ne pas avoir eu le culot de sauter en marche avant la bretelle du périph. Car à l’heure qu’il est, si sa mère ne l’avait pas kidnappée, elle serait chez elle, à Paris, en train de se préparer pour la fête du lycée. »
Après Tant que nous sommes vivants, son formidable roman-épopée aux confins du fantastique, Anne-Laure Bondoux revient à notre époque et explore la relation mère-fille en passant par la case « secrets de famille ». Et prouve que la vie quotidienne et la banale réalité d’une vie peuvent être en tous points tout aussi fantastiques.
Titania, la mère, enlève sa fille, Nine, prête à partir pour la fête du lycée pour l’isoler dans une cabane au milieu des bois, le temps d’une nuit. Le temps de lui raconter une histoire inédite… la sienne. Une histoire qu’elle a toujours tue.
C’est une cabane de rêve, avec un confort sommaire mais idéalement placée au bord d’un lac avec ponton, au milieu de nulle part. Bien plus qu’une cabane, c’est une cachette secrète, connue de Titania seule… et de quelques autres membres de la famille. L’aube sera grandiose. Son récit sera-t-il à la mesure de la promesse ?
Au cours de cette nuit pas comme les autres, Nine découvre que son écrivain de mère ne s’appelle pas du tout Titania Karelman, qu’elle a deux oncles et une grand-mère dont elle n’a jamais entendu parler et une vie pleine de rebondissements. Nine en apprendra aussi un peu plus sur deux grands inconnus : son père et son grand-père.
A petites touches haletantes, comme on déroule un grand album photos déniché du fond d’un grenier et qu’on a hâte de parcourir, Titania remonte le fil de sa propre enfance jusqu’à la naissance de Nine. Pour entendre autant de révélations et de mystères, il fallait un lieu bien à part. Un lieu à soi, en marge du monde pour pouvoir absorber en paix tous ces secrets…
Il va tout même falloir une sacrée dose de patience à Nine pour entendre sans sourciller l’histoire abracadabrantesque de Rose-Aimée, Consolata, Octo, Orion, Vadim, Pietro et tous les autres… Une vraie brochette de personnages de fiction, qui pourtant font bien partie de sa vie, et qui selon sa mère, ne vont pas tarder à débarquer en chair et en os et qu’il va falloir affronter.
J’ai bien aimé cette saga familiale avec des filles au caractère bien trempé. D’abord parce que le ton du roman est à l’image de son auteure, dynamique et joyeux. Ses personnages sont toujours dans l’action, ne s’apitoient jamais sur leur sort, vont de l’avant, ils font face malgré toutes les épreuves qui jalonnent leur vie.
Ce qui est très fort et emporte tout, c’est l’amour inconditionnel que dégage la mère, Rose-Aimée. Cabossée par la vie, pourtant si belle, charmeuse, solaire, peu sûre d’elle et pourtant toujours partante pour une nouvelle aventure… sa ribambelle d’enfants accrochée à son cou ou à ses jolies jambes. Cette femme-là, c’est une danse. Un peu comme ces rondes peintes par Matisse, une femme virevolte prenant par la main avec elle son petit monde pour traverser, légers, le bleu du ciel.
Anne-Laure Bondoux avait déjà raconté une relation mère-fils très forte, pleine d’abnégation et d’amour dans Le Temps des miracles (éd. Bayard, élu meilleur livre jeunesse par le magazine LIRE, 2009). Elle explore ici pour la première fois la relation mère-fille et on sent dans cette histoire tout l’élan vital d’une mère pour ses enfants, le cadeau qu’elle leur fait, cette force de vie communicative, parfois de survie, qui les pousse vers l’avant.
Ce roman est bien le genre qu’on dévore d’une traite, qu’on ne lâche qu’au petit matin, l’histoire d’une nuit d’encre qui déterre les secrets pour en révéler la lumière comme un feu d’artifice matinal. L’aube sera grandiose. On nous avait prévenus.
Lire un extrait.
Le site officiel d’Anne-Laure Bondoux
Le site de Coline Peyrony
L’Aube sera grandiose
Anne-Laure Bondoux, illustrations Coline Peyrony
296 p., Gallimard, 14,90 €
Copyright photo : C. Helie/Gallimard
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