Fanny Chartres nous bouleverse avec son dernier roman, Le ciel est à tout le monde, l’histoire de deux adolescents livrés à eux-mêmes. Une fratrie, de la poésie, de l’espoir, un Merveilleux voyage…
« J’avais 11 ans, je rentrais de l’école avec mon frère et le soleil bleu tout en haut. Il était grand Yaël. Il avait seulement 16 ans, mais il savait des choses comme un vieux de 20 ou même de 30 ans. Il savait reconnaître le printemps à l’épaisseur et à l’odeur du vent, il savait battre les profondeurs de l’hiver et les colères de maman, il savait quand il fallait fermer la porte de la chambre à double tour et attendre que papa redevienne normal, il savait quand il fallait se prendre les mains et se les serrer fort. On était arrivés dans la maison-arbre, celle qu’on achèterait quand on serait grands.»
Yaël, 16 ans est le grand frère d’Ethan, 11 ans. Frère et même un peu plus. Yaël veille sur lui pour cause de parents défaillants, mais c’est aussi un poète qui sait leur construire un univers plus grand, plus beau, tout comme leur refuge, la « maison-arbre » où ils habiteront un jour, c’est sûr.
Yaël prend un soin infini à rendre la vie la plus douce possible, endosse sa cape de magicien pour composer de délicieux « goûters grillés poudrés ». La poésie et le rêve accompagnent toujours ces deux-là, comme un passeport pour la vie. Ethan a « la maladie de l’enfance », un eczéma qui ne cesse de progresser inversement proportionnel à cet amour maternel qu’il ne reçoit pas.
« J’aurais voulu être le garçon qui venait de passer avant moi, celui à la peau lisse et à la maman parfumée. Mais j’étais Ethan Claudel, 11 ans et demi, atteint de la maladie de l’enfance. J’ai regardé dans la direction de Yaël. Des étoiles colorées s’échappaient de sa baguette et s’approchaient de moi en tourbillonnant. Comme des baisers volés. »
Les parents sont aux abonnés absents… Jusqu’à ce jour où ils ne reviennent plus. De familles d’accueil en foyers, ils sont placés et pire, séparés. Pour tout réconfort, Ethan communique de loin le soir avec Yaël en dialogues de lumière par lampe torche interposée. Sa petite voisine de chambre au foyer, Meedea, s’y connaît en survie et devient son amie. Ethan se réfugie dans Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède. Il se prend de passion pour l’histoire de ce garçon qui voyage à dos d’oies sauvages. Un jour, Yaël et lui migreront en Laponie comme ces grands oiseaux, libres. Rien ne pourra les arrêter.
Le roman prend le parti pris original d’entrecouper la vie des deux garçons avec des scènes issues de séries illustrant particulièrement bien le moment vécu par les deux frères. Une façon de chuchoter que les séries, ça peut servir à ça, à apprendre la vie, à remettre un peu de rire et de légèreté quand le ciel s’est assombrit. Les personnages de fiction remplacent les absents, comme de doux compagnons de vie.
Fanny Chartres nous embarque pour un fabuleux voyage au pays d’une enfance difficile, fracassée, quand l’amour ne répond pas présent au quotidien, quand l’absence irrite la peau, que l’horizon flou ne ressemble à rien. C’est en magicienne des mots qu’elle signe ici son plus beau roman et nous fait vibrer intensément jusqu’à nous faire espérer de beaux lendemains. Avec poésie, espoir et magie, son jeune héros construit son monde, son rêve de s’envoler comme une belle oie sauvage et, le livre refermé, le cœur gonflé, on est certain qu’il va y arriver. Et le roman de nous donner des ailes, à nous aussi.
« Frérot, la vie aussi est un manège.
Certains soirs, elle tournoie sous les étoiles.
D’autres fois, elle déraille et t’y peux rien.
Frérot tu sais bien,
Quand le carrousel est cassé
Faut pas tenter de le réparer
Mais prendre un autre chemin
Chercher d’autres chevaux pour avancer
D’autres lumières vers où aller
Partir vers le sud ou vers le nord
Trouver les aurores. »
Le blog de Fanny Chartres
Le Ciel est à tout le monde
Fanny Chartres
205 p., l’école des loisirs, coll. Médium, 13,50 €
(dès 11 ans)
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