Double actualité pour Christophe Léon : Délit de fuite, paru en 2011, sera ce soir à la télévision pour France 2 – avec en têtes d’affiche Eric Cantona, Mathilda et May et Tom Hudson, Prix du meilleur espoir masculin au festival de la Rochelle, et un roman dérangeant, La vie est belle.
Christophe Léon n’en finit pas d’interroger son époque. A l’instar d’un Guillaume Guéraud, il triture nos vies, empruntant des chemins politiquement incorrects, en cherche les failles et nous donne à voir des regards d’adolescents sur les adultes, embarqués malgré eux dans des drames ou des dérapages. Et le lecteur de se demander « et si ça m’arrivait à moi ? ».
Délit de fuite raconte le destin croisé de deux adolescents qu’a priori rien ne rapproche. Hormis leur solitude. Comme chaque vendredi soir une semaine sur deux, Sébastien, ado de quatorze ans aux parents divorcés, part à la campagne avec son père. Celui-ci roule à toute vitesse dans la nuit et heurte, par inadvertance, une femme sur la route d’un hameau isolé. Sébastien pense que son père va lui porter secours, mais impassible, ce dernier poursuit sa route. Plus loin, sur l’autoroute, il met le feu à sa voiture, histoire de ne laisser aucune trace. Incident clos, circulez, y a rien à dire.
« Il n’y a pas eu d’accident. Tu dois oublier.
Il n’y a jamais eu d’accident. Un point c’est tout ».
Tandis que son père les entraîne dans la spirale infernale du déni, Sébastien, s’enfonce dans le mutisme et la colère.
« Il y a entre nous une nuit, une voiture brûlée, des mensonges et un secret inavouable.
Peut-être même une morte. »
Choqué, le jeune garçon va chercher à se rapprocher de la victime qui se trouve dans le coma. A l’hôpital, il rencontre Loïc, dix-sept ans, fils unique de la victime, qui est en apprentissage dans une ferme. Sans dévoiler la raison de sa présence, Sébastien va sympathiser avec Loïc…
On a été habitué à nombre de scénarios où les ados font des conneries et où les parents les aident à rectifier le tir, petite leçon d’éducation à l’appui. Ici, c’est l’inverse. Un adolescent cherche à placer son père face à ses responsabilités. Facile, direz-vous ? Pas tant que ça, car les sentiments entre père et fils et les rôles de chacun sont complexes. La force de ce roman est de mettre au jour la fragilité et le dilemme de l’adulte qui choisit la lâcheté en tant que citoyen au prétexte de ne pas fuir ses responsabilités de père.
« Un jour, on se rend compte que les parents ne sont que des répliques de soi-même, en plus grand.
Ils ont les mêmes angoisses, les mêmes craintes et aussi les mêmes joies.
Des gamins avec des seins et des moustaches. Du poil aux pattes et du rouge à lèvres. »
France 2 a eu la bonne idée d’adapter ce roman pour la télévision, avec Eric Cantona et Mathilda May. Sa sélection dans la compétition du festival de La Rochelle qui vient de s’achever ce week-end, est déjà la preuve que c’est une réussite : Tom Hudson, dans le rôle de Loïc y a remporté le Prix du jeune espoir masculin.
Quelles sont les frontières entre le coupable et la victime ? Est l’une des grandes questions qui semble travailler Christophe Léon. Car c’est l’un des thèmes abordés dans son dernier roman, l’un des plus intéressants de cette rentrée littéraire version ados, La vie est belle, une histoire où elle ne l’est justement pas – belle –, la vie.
Le père de Lewis, Pierre Delacroix, cadre chez Violet, un opérateur téléphonique majeur du marché à la politique de ressources humaines déplorable (tout le monde suit ?), déprime depuis quelques années. Déplacé, déclassé, le père de Lewis a perdu le goût de la vie, harcelé par son entourage professionnel. Le livre commence comme un compte à rebours. Un homme suspend ses pieds dans le vide… Une succession de flashbacks nous fait revivre le film de la vie de famille à travers les yeux de l’adolescent depuis les moments joyeux : Lewis a neuf ans, admiratif de son père fraîchement promu, les projets en famille, la mère qui soutient son mari jusqu’à la descente aux enfers et l’issue fatale où personne n’a rien vu venir. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car la vie continue, et Lewis échafaude le projet, encore assez vague, de venger son père. En bon enquêteur, il va s’arranger pour devenir l’ami de Julia, la fille du patron de son père, celui par qui tout a basculé. S’infiltrer, pour mieux se venger. Oui mais comment ? Christophe Léon nous emmène habilement dans la peau de celui qui voudrait réparer mais qui ne sait plus très bien ce qu’il est venu chercher dans cette famille finalement sympathique. Christophe Léon a l’écriture cinématographique et sombre, et ce roman dérangeant qui frappe fort et juste, au sujet de société très actuel pourrait bien tenter une fois de plus une production.
Délit de fuite
La joie de Lire,
170 p., 14,20 €
La vie est belle,
La joie de Lire,
156 p., 14 €
Dès 13 ans
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