Roland Godel remporte le Prix Gulli 2015, avec son roman Dans les yeux d’Anouch, qui raconte l’adolescence de sa grand-mère arménienne, en 1915, alors que commencent les déportations en Turquie. Un roman touchant que j’avais chroniqué dans le numéro de Lire d’avril.
Roland Godel avait une grand-mère qu’il surnommait « Amy », une vieille dame douce qui aimait cuisiner « des plats relevés aux noms chantants » et qui fronçait les sourcils lorsqu’on parlait des Turcs. Car Amy vécut, adolescente, la tragédie qui frappa les Chrétiens de l’Empire ottoman, il y a juste cent ans. Devenu auteur, Roland Godel fait œuvre de mémoire en contant aux jeunes générations le premier génocide du XXe siècle. Anouch a treize ans lorsque sa famille reçoit du gouverneur un ordre officiel de déportation. Les populations chrétiennes sont déplacées pour éviter la guerre et être protégées, soutient la lettre. Mais l’oncle Bedros raille : « Moi, je sais que la destination finale n’est pas Konya. Ça sera Alep, ou Mossoul, une tombe sous le sable… ».
Leur maison réquisitionnée par l’armée, les parents, oncle et tante, grands-parents et enfants rassemblent docilement quelques affaires, ferment le magasin et prennent les convois du 18 août. Sur la route, il fait beau et chaud, rien n’annonce la peur, les brimades et les privations à venir. Au campement de Bilecik, Anouch rencontre Dikran, un adolescent de quatorze ans dont elle tombe amoureuse et qui lui redonne espoir. Une à une, les familles sont pourtant déportées vers la Syrie. Par chance, le père d’Anouch réussira à cacher la sienne. S’organise alors la longue survie des fugitifs, travaillant reclus, entassés pour quelques maigres sacs de farine en attendant la fin de la guerre. Une vie impossible à supporter s’il n’y avait la promesse de retrouver un jour Dikran, car dans ses yeux, Anouch a entrevu le bleu du ciel.
Roland Godel avait demandé à sa grand-mère, née « Papazian », d’écrire ses souvenirs, pour transmettre aux générations son histoire. C’est en reprenant le fil de ces souvenirs, qu’il a eu envie de raconter sous forme de fiction l’impensable tragédie des Arméniens. Un roman à la fois grave et plein d’espoir, qui résonne particulièrement avec l’actualité.
Les quatre autres romans sélectionnés étaient :
Blue Bird de Tristan Koëgel (Didier jeunesse)
Max et les poissons de Sophie Adriansen (Nathan)
Memor : le monde d’après de Kinga Wyrzykowsa (Bayard)
Un caillou sur le toit de Colin Thibert (Ricochet)
Lire les premières pages sur le site de Gallimard jeunesse.
Dans les yeux d’Anouch
Roland Godel
208 p., Gallimard jeunesse, 10,90 €
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