Elise Fontenaille nous régale avec La Sourcière. Un roman en forme de ronde où humains, animaux et éléments dansent de concert avec la belle Garance en une fabuleuse ode à la nature, celle où dorment les volcans.
« Une nuit de lune rousse, au pays des volcans assoupis. Nuit de tempête, un vent fou hurle avec les loups !
Gallou la Brodeuse est chez elle, dans sa maison de lave noire, encerclée par les bois ; elle achève son ouvrage devant un feu.
Elle frissonne en tirant les fils d’or, écoute les arbres se tordre et gémir, et la pluie fracasser les volets.
– Un temps à ne pas mettre une loutre dehors !
Elle rajuste sa pelisse et jette une bûche dans le feu. (…)
Soudain on gratte à la porte.
– Ai-je rêvé ? se demande la Brodeuse à voix haute…
Vivant seule, elle aime se parler à elle-même.
Le grattement a cessé ; Era la chienne court vers la porte en gémissant. Sur son perchoir, Athéna, la chouette, ulule, réveillée par toute cette agitation. (…)
Gallou se lève, une lampe-tempête à la main, et ouvre la porte à grand-peine : le vent jette des seaux de pluie glacée sur le bois.
Elle se penche : une forme pelotonnée, roulée en boule dans une cape noyée par la pluie. Era se précipite et flaire.
Gallou pose la lampe, soulève la capuche, dégage un buisson de cheveux roux, un petit visage livide apparaît. »
Celle que la vieille brodeuse va recueillir, cette nuit-là, est une toute jeune fille sur le point d’accoucher. Elle perd la vie au matin, emportée par la fièvre, en mettant au monde une autre rousse : « Tu me vengeras », lui fait-elle promettre avant de rendre son dernier souffle. Ainsi naît la petite Garance, un destin en guise d’étoile autour du cou.
La petite fille grandit dans ce bout de forêt merveilleuse, élevée par Gallou, la Brodeuse un peu sorcière. Celle-ci a tracé un cercle d’invisibilité autour de la maison en guise de protection. Garance a trouvé dans un buisson son alter-animal, une jeune renarde flamboyante comme elle, qui devient la moitié d’elle-même, inséparables. Autour des deux femmes, vit une petite compagnie alentours, recluse comme elles. D’abord un vieil aveugle qui aime Gallou : « C’est le ciel qui te l’envoie. Il y aura de l’amour entre vous », prédit le Luneux en voyant le bébé. Il y a aussi un musicien, joueur de vielle, Zara une gitane qui ne vit que pour danser et puis aussi Era la chienne et Athéna, la chouette.
Garance grandit au milieu de cette nature d’eau et de soufre, empreinte de magie blanche. Sa belle chevelure, l’extrême pâleur de sa peau… elle devient encore plus belle que sa mère – qui s’est réincarnée en un rosier blanc au jardin. La jeune fille est l’incarnation de la beauté vive mais surtout, elle possède le don : lorsqu’elle frappe la terre de son bâton, l’eau surgit.
Mais non loin de là, vit le seigneur du Château, Guillaume, qu’on surnomme le « Saigneur » car il terrifie les filles de la contrée en raison d’une ancienne blessure. Celui-ci ne vit que de débauches, de crimes et de violences avec sa bande de Moines rouges. Bien sûr, la réputation de Garance ne lui a pas échappée. Un jour, il l’aperçoit se baigner dans la rivière. Elle devient alors son obsession. Il la lui faut. L’obsession de Garance, elle, est d’accomplir sa vengeance.
Elise Fontenaille, dont j’ai adoré ses précédents romans comme La Cérémonie d’hiver, Le garçon qui volait des avions, Les Trois sœurs et le dictateur… nous régale avec ce conte empreint de nature et de magie. Dans un moment où nombre de livres pour ados sont ancrés dans la réalité, parfois la plus sombre ou la plus crue, La Sourcière est une lueur. Ou plutôt un feu follet joyeux à la langue agile et poétique.
L’auteure nous réjouit par cette brochette d’amour tout chaud qui tient cette jolie bande de personnages. Pour autant, rien de naïf, la violence et la cruauté se sont pas absentes de tout contes et l’histoire de Garance n’y coupe pas. Ce court texte savoureux qui se lit d’une traite est une véritable ode à la nature, à la beauté, à la force des femmes, aux hommes qui les soutiennent et à la vie. Dans un joli tourbillon imaginaire, chacun y va de sa voix : les animaux jouent leur rôle, les humains se transforment parfois en animal pour secourir les innocents, le feu raconte son histoire, le volcan aussi, la source joue sa partition… Les humains, monde végétal et animal, les éléments, les astres et même les morts vivent en harmonie en une vivace arabesque célébrant la jeunesse, la puissance et la joie de la belle sauvageonne.
La Sourcière
Elise Fontenaille
124 p., Rouergue, 9,50 €
(dès 12 ans)
Elise Fontenaille dit
merci Nathalie ! pour cette aimable chronique, qui donne envie 😉
( signé : la Sourcière ! ( elise F.
Nathalie Riché dit
Avec plaisir ! : )