Attention voici un roman qui slame et qui pulse ! Frères, le premier roman de l’Américain Kwame Alexander traduit en France, est un véritable bijou, hommage au basket, à l’amour fraternel et filial, un roman qui déménage et vous terrasse d’émotions. Must read !
« A deux pas du panier, j’ai le mouv et le groove…
Ça CLAC ! et ça WIZ !
Non mais attends, toi, tu veux me contrer ?
Non mais attends, toi, tu veux me bloquer ?
Mate un peu ce rebond, YEAH !
Fais gaffe, man, sérieux
Parce que je suis le king du SWING,
le roi du dribble cROIsé
JE LANCE
je m’élance
et je feinte pour que tu glisses pendant que je
DEBOULE, moi
vers la ligne d’arrivée, et du bout des doigts…
Direct au panier :
Baaaaaammm ! Marqué ! »
Attention ce texte swingue et pulse comme un morceau de rap. Resté 24 semaines sur la liste des meilleures ventes du New-York Times, Frères est un petit bijou qui peut transcender les générations.
L’histoire ? Celle de deux jumeaux, Josh et Jordan, jeunes champions de basket-ball, illustres du panier, du dribble, du dunk et du crossover.
Le Basket chez les Bell, c’est une histoire de famille. Leur père, Chuck dit « le Boss », ancienne star du terrain et entraîneur les pousse depuis toujours tandis que leur mère, la directrice adjointe du lycée, peut faire la pluie et le beau temps sur leur sélection.
Josh et Jordan ne se quittent jamais. C’est parce qu’ils jouent en totale harmonie depuis tout petits, chacun avec leur style, que leur équipe cartonne. L’un arrière, l’autre ailier. Josh est un peu frimeur mais lorsqu’il s’élance haut dans les airs, avec ses dreadlocks, il vole : « Au moment de tirer je suis en apesanteur/Le panier est à vendre/Je suis le seul acheteur. » Le père a surnommé Josh « Dégueu le Vicieux » – un surnom que son grand fiston n’apprécie guère – en hommage à un morceau d’Horace Silver, car « le Boss » est aussi fan de jazz. Un basketteur au rythme syncopé !
Complicité, rivalité, tendresse, humour, compétition, entre les jumeaux, il y a tout cela et bien plus encore jusqu’au jour où un grain de sable enraye la machine à jouer à deux… Jordan, surnommé JB, tombe amoureux d’une fille aux Reebok roses, Alexia alias Miss Thé Glacé. Les règles sont bouleversées et le duo parfait se délite. Josh va commettre quelques erreurs qui le disqualifient un temps sur le terrain comme en famille : « Dans la vie quand on rate trop de lancers-francs on finit toujours par le payer ».
La vie est un match,
ta famille est le terrain,
et le ballon, ton cœur.
Peu importent tes hauts,
peu importent tes bas,
n’oublie jamais
de laisser ton cœur
sur le terrain.
Les courtes réflexions sur la vie inspirées des règles du basket, rythment ce roman comme autant d’épisodes de la vie des brothers. Alternent les moments de matchs, les disputes en famille, les souvenirs d’enfance, les réconciliations et les espoirs… Toute une vie scandée au rythme des mi-temps, des temps morts et des matchs.
L’exploit est sans nul doute dans la dynamique de l’écriture mais aussi dans l’ultra sensibilité. Car mieux que quiconque Kwame Alexander nous fait ressentir la joie d’être sur un terrain, quand la balle fuse et gliiiiiisse « la balle orange a des ailes, on dirait un ange », mais il dit aussi le bonheur de s’élancer en l’air et la sensation de voler, la liberté que l’on éprouve quand le ballon claque dans les filets.
Ce texte en vers libre est d’une incroyable sensibilité, et la métaphore du sport dit avec une incroyable justesse la complicité des jumeaux, l’impossible réconciliation qui bloque la gagne, le cœur qu’on y met et la détermination nécessaire pour se dépasser. Une équipe c’est un tout, avec ses leaders, ses suiveurs, ses techniciens, mais si le cœur n’y est pas, rien ne sert de jouer. Et ce texte c’est un cœur qui pulse, un hymne au dépassement de soi : « Visez toujours le soleil et c’est vous qui brillerez. »
Chapeau bas, Mister Alexander, vous m’avez fait vibrer et rappelé à quel point le sport peut être magique, vous transporte loin et procure entre les joueurs une émotion unique. L’écriture en vers libre, slam, onomatopées, association d’idées, comme un cœur qui battrait au rythme effréné d’un match nous laisse sans répit, et ce texte se dévore d’une traite. La traduction est particulièrement à saluer, car retranscrire le vibrato du sportif autant que du slameur est un exploit : championne Alice Delarbre !
Ses mots dribblent, rebondissent, marquent leur but, impriment quelque chose en vous et vous accompagnent longtemps… C’est musical, brusque et doux, écrit au scalpel, une poésie à l’état brut, en prise avec la vie.
Kwame Alexander, né à Manhattan, est un fervent défenseur de la poésie auprès des jeunes et anime des ateliers d’écriture auprès de tout public. Son site officiel nous informe que : « Kwame croit que la poésie peut changer le monde. » Son texte change quelque chose en nous, c’est déjà un bon début.
Lire un extrait
Le site officiel de Kwame Alexander.
Frères
Kwame Alexander,
Traduit de l’anglais (américain) par Alice Delarbre
248 p., Albin Michel coll. Litt’, 13,50 €
(à partir de 12 ans)
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