L’Homme qui plantait des arbres de Jean Giono, est un hymne à la nature autant qu’à l’aventure humaine dans ce qu’elle a d’essentiel et beau. A découvrir grâce à cette version superbement illustrée par Olivier Desvaux.
« Pour que le caractère d’un être humain dévoile des qualités vraiment exceptionnelles, il faut avoir la bonne fortune de pouvoir observer son action pendant de longues années. Si cette action dépouillée de tout égoïsme, si l’idée qui la dirige est d’une générosité sans exemple, s’il est absolument certain qu’elle n’a cherché de récompense nulle part et qu’au surplus elle ait laissé sur le monde des marques visibles, on est alors, sans risques d’erreurs, devant un caractère inoubliable. »
Il est des textes intemporels. L’Homme qui plantait des arbres est de ceux-là. Impressionnant même – pour celui qui ne l’aurait pas lu depuis longtemps – d’intensité et d’actualité. Il a d’ailleurs fait le tour du monde et c’est une formidable idée que de le republier, illustré, pour le faire découvrir à la nouvelle génération.
« Il y a environ une quarantaine d’années, je faisais une longue course à pied, sur des hauteurs absolument inconnues des touristes dans cette très vieille région des Alpes qui pénètre la Provence…»
Cela commence comme un conte. Un jeune homme se promène sur les hauteurs d’une montagne. Il s’égare sur ce plateau désertique et venteux des Alpes-de-Haute-Provence. Et dans ce paysage désolé où le soleil cogne sur les pierres blanches et vous aveugle, notre promeneur imprudent erre, désespérant trouver de l’eau. Nulle âme à l’horizon dans cette nature engloutie. Jusqu’à ce qu’une silhouette au loin sur un promontoire se détache du ciel, quasi végétale. L’homme, la cinquantaine bien passée, est un berger. Elzéard Bouffier vit reclus et offre à l’imprudent un peu d’eau et l’hospitalité.
On peut aller au bout du monde pour faire des rencontres incroyables, mais on peut tout aussi bien arpenter les flancs d’une montagne aride, à quelques heures de chez soi, et rencontrer des personnages insolites. Tout comme Elzéard. L’homme a tout perdu, son fils, sa femme, sa maison et trouvé une immense chose. Dans sa solitude, il s’est pleinement relié à la terre. Seul, face au ciel azur, à la majesté des montagnes, à la lumière, avec pour seule compagnie son chien et ses bêtes.
Mais surtout, il s’est lancé dans une entreprise titanesque : planter des milliers d’arbres sur cette terre désolée. Chaque jour, il trie des glands et les plante consciencieusement, comme une mission vitale. La guerre passera par-là, mais l’homme continuera, imperturbable aux aléas de la folie humaine, à planter méthodiquement ses petites graines au creux des gros cailloux blancs.
Bien des années plus tard, notre promeneur, curieux, reviendra sur les lieux voir ce qu’il est advenu de l’homme et de ses chênes. Le poumon vert et la vie qui a repris dans les villages autrefois en déshérence, témoignent de la ténacité et du succès de l’entreprise audacieuse d’Elzéard. Car voici la grande leçon du texte de Giono, à la fois essentiel et modeste : ramener la vie, là où les hommes l’ont abandonnée. Pour cela, il faut de la constance, de l’intuition, une forme d’amour et une volonté infinie. Intense comme un ciel de Provence.
Ce qui frappe dans cette nouvelle de Giono, c’est à la fois sa sobriété et sa profondeur universelle. Ce livre taiseux, raconte en peu de de scènes, la vie d’un homme qui a embrassé la nature avec pour devoir de perpétuer la vie. Elzéard n’a plus d’enfants à chérir, soit, il élèvera des arbres. Et redonnera vie à toute la région.
Les peintures magnifiques d’Olivier Desvaux mettent en valeur ce texte, avec ses bleus lumineux, sa chaleur, ses éclats de couleur. Il y a quelque chose d’Edward Hopper chez ce peintre dans le dénuement des décors, ses grands ciels, l’intensité et la solitude qui se dégage des personnages. Il transcrit à merveille toute la saveur de Giono, l’écrivain provençal qui sait si bien faire chanter sa terre.
« Quand on se souvenait que tout était sorti des mains et de l’âme de cet homme, sans moyens techniques, on comprenait que les hommes pourraient être aussi efficaces que Dieu dans d’autres domaines que la destruction. »
Ecrit en 1953, ce texte redonnait de l’espoir au sortir d’un long conflit dévastateur. Le contexte a changé, pour autant, à regarder aujourd’hui l’état de la planète, la leçon d’Elzéard Bouffier résonne bien au-delà des hauteurs de Sisteron et de Manosque.
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Le blog d’Olivier Desvaux et son travail de peintre.
L’Homme qui plantait des arbres
Jean Giono, illustrations Olivier Desvaux
60 p., Gallimard, 14,50 €
(dès 9 ans)
Thierry dit
Depuis un certain temps je suis poursuivi par la couverture du livre « la fin des paysans » d’Henri Mendras (image toute de nostalgie de la fin de ce monde là.).
Merci de me donner l’occasion de m’y retrouver avec l’oeuvre de Jean Giono !