Nos étoiles contraires, roman young adult de l’Américain John Green paru en février 2013 (Nathan) est plus qu’un phénomène, caracolant en tête des ventes depuis deux mois. Il affiche 350 000 exemplaires en langue française et 15 millions de ventes aux Etats-Unis ! Son adaptation cinématographique permettra de toucher un public encore plus large, pourtant… au lieu de vous précipiter dans les salles, mieux veut s’en tenir au roman pour garder sa saveur originale.
Je ne sais pas si c’est moi, mais je trouve que beaucoup de romans ados du moment parlent de la mort. La Dose, de Melvin Burgess (Gallimard) dont je reparlerai bientôt raconte la vie d’un ado confronté à la prise d’une nouvelle drogue qui vous promet la semaine la plus époustouflante de votre vie – mais la dernière – car suivie d’une mort certaine. Par ailleurs, j’ai adoré Humains de Matt Haig, roman hilarant de la rentrée (Hélium). Dans ce livre, un extra-terrestre envoyé sur Terre dans la peau d’un homme est littéralement sidéré par le fait que les humains s’apitoient sur leurs minuscules problèmes alors que, selon lui, leur principal souci, c’est d’être mortel (voir ma chronique de Lire de septembre).
Mais revenons à nos métastasés. Ce que j’avais vraiment aimé dans Nos étoiles contraires (voir ma chronique de Lire, été 2013), c’est le contrepied que prenait John Green de ce sujet largement éculé depuis Love Story. Deux ados qui ont tout pour réussir : beaux gosses, intelligents, entourés de familles aimantes et compréhensives. Oui mais. Atteints de cancers sans espoir de guérison. On est d’ailleurs au jus dès les premières phrases du roman : « Je m’appelle Hazel. […] J’ai seize ans. Cancer de la thyroïde à l’origine, mais mes poumons sont truffés de métastases depuis longtemps. Sinon, ça va. » Contreplongée dans le pathos ? Non réalisme à l’humour acide. Car ces deux-là ont pour arme leur humour décapant, cynique, indéfectible qui rendait ce livre unique et lui donnait du relief.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=rrx8CUFNFo8[/youtube]
Oui, mais le rouleau compresseur de la machine hollywoodienne est passée par là, lissant dialogues et personnages. Bon, on est d’accord, une jeune fille qui ne peut respirer que grâce à sa bonbonne d’oxygène, un ado devenu aveugle et un troisième unijambiste, méritent toute notre compassion un peu plus d’une minute… Mais John Green nous emmenait justement ailleurs, dans le combat de la vie au sens large. Pour exister malgré tout, gardons notre sens de l’esprit critique et notre humour indéfectible, semblait-il nous dire. Bien sûr, on retrouve un peu cela dans le film par petite touche, surtout chez le personnage d’Augustus (formidable Ansel Elgort !). Mais Hazel Grace, de franchement cynique voire arrogante, devient ici une gentille jeune fille bien lisse qui sourit tout le temps… Où sont passées les répliques qui fusent tout au long du livre ? La scène sur la balançoire d’enfance vire à la nostalgie alors que c’est l’une des séquences drôles du roman, Hazel et Augustus rédigeant une petite annonce hilarante pour s’en débarrasser : « Balançoire seule, un brin pédophilique, recherche derrières d’enfants… ».
Je passe sur la scène pathétique chez l’écrivain – avec un Willem Dafoe qui se demande ce qu’il fout là (et nous aussi) – et le (très pénible) voyage à Amsterdam avec la scène confondante du baiser dans la maison d’Anne Frank. Ce que j’avais retenu du livre c’était une vitalité à tout casser car quoi qu’il advienne il y a toujours chez les ados l’envie de vivre, d’aimer, de découvrir qui est plus forte que tout. Ici, les pleurs, les visages affligés des parents qui restent dignes quand même ramollissent l’ensemble. Evidemment, on n’échappera pas aux larmes et Nos étoiles contraires est devenu une jolie bluette.
J’aimais ces personnages. Mais je les aimais flamboyants, durs entre eux aussi parfois, décapants et batailleurs… Bon je suis peut-être un peu sévère, mais vous qui avez lu le roman, qu’avez-vous pensé du film ?
Quitte à aller au cinéma, allez plutôt voir le formidable Boyhood !
Nos étoiles contraires
John Green
Traduction de l’anglais (Etats-Unis) par Catherine Gibert
336 pages, 16,90 €
Nathan
stefrv dit
J’ai aimé le livre, j’ai adoré le film ! J’ai succombé aux charmes de Shailene Woodley (que je trouvai franchement moyen avant The Descendants et Divergent) et de Ansel Elgort.
Le film a su « humaniser » et rendre un peu plus digestes les passages dures du livre. A la lecture du livre, parfois je devais m’arrêter et essayer de digérer quelques pages avant de recommencer. Je trouve toutefois la version livre que cinematographique très empreinte de la réalité : rien n’est surfait, tout est plausible ! Et c’est une love story comme pas deux, car authentique et bourrée de spontanéité ! Bref, bluffé par John Greene et ces deux acteurs à suivre