Dans L’Estrange Malaventure de Mirella, Flore Vesco revisite la légende du Joueur de flûte de Hamelin avec brio, verbe, une touche de magie et de féminisme. Un roman vif et truculent, qu’on se le dise !
« En haut d’Hamelin, à la tête de la ville, il y avait le bourgmestre. C’était un homme mûri par les années et enflé par la bonne chère. Il savait du latin. On trouvait abondance de florins en ses coffres. Il était fort bien né et fortuné.
En bas d’Hamelin, sur le pavé, il y avait Mirella. Point n’est besoin de faire son portrait. Revoyez la description du bourgmestre, retournez-la sur l’envers : tout l’opposé, voilà Mirella. »
Oyez, oyez jeunes lecteurs ! Voilà un roman qui va vous faire gambiller le cœur. Damoiselle Flore Vesco revisite sous nos yeux ébaubis avec drôlerie, gouaille et mirifisme la fameuse légende du Joueur de flûte de Hamelin.
Ahaha, pauvres lecteurs, vous croyez tout connaître de ce conte. Malappris ! L’histoire a retenu que la ville envahie par les rats fut sauvée par un musicien qui passait par là… puis qu’il noya tous les enfants de la ville. Que nenni ! Foutaises, fadaises, l’histoire est bien plus complexe, plus étrange, plus effroyable et évidemment plus belle. Flore Vesco nous la fait voir sous un autre jour. Ou plutôt sous une autre nuit car accroche-toi lecteur, ce conte est sombre, très sombre.
Bien souvent derrière un héros, se cache une héroïne. Ainsi va le monde. Pourtant Mirella n’en a pas l’air (d’une héroïne), à regarder vite fait, elle n’a même l’air de rien. Porteuse d’eau de son statut, elle se trouve au plus bas de l’échelle dans la hiérarchie Hamelinesque, plus bas que les mendiants. Mais en y regardant de plus près, à quinze ans, la petite porteuse d’eau se montre vaillante, gaillarde à la tâche, inventive, met du cœur à chanter pour se donner courage et sa chevelure de feu augure un tempérament de même nature.
En ces temps médiévaux, les malheurs ont vite fait d’accourir à grands sauts et quand la ville n’est pas menacée par les lépreux ou les mauvais sorts, c’est la peste noire qui déboule, faisant trépasser un à un les habitants d’Hamelin.
Qui a donc apporté la Peste ? Et tous de chercher le ou plutôt LA coupable car qui mieux qu’une sorcière brûlant sur un bûcher pour calmer les esprits ?
Mirella, elle, a sa petite idée sur l’identité du responsable de l’épidémie car elle possède un don, celui de voir ce que d’autres ne voient pas. Qui est cet homme tout vêtu de noir et encapuchonné qui la nuit hante les ruelles et passe à travers les murs ? Ne serait-il pas le complice de la Mort ? Les rats sont partout et se faufilent dans chaque tanière. Mirella est déterminée à comprendre ce qui retourne céans. Mais une foule entrave son enquête : il y a Guerric, le porteur d’eau, qui aimerait bien coincer la donzelle qui prend joliment forme, Pan l’orphelin qu’elle a recueillie et qui nécessite protection, le Bourgmestre a la porteuse d’eau à l’œil, tandis que la tenancière de l’auberge, Dame Lottchen, a bien des raisons de croire que Mirella serait fillotte du Diable. Surtout que la bougresse ne semble pas craindre les lépreux… Mais Mirella n’a peur de personne, va chantant, car la musique donne du cœur à l’ouvrage. D’ailleurs n’a-t-elle pas un véritable don pour cet art ?
Flore Vesco convoque un Moyen-Age crasseux, fantasmagorique et réjouissant et, se jouant des codes du conte, réduit le fameux joueur de flûte à un vague figurant arriviste, le bourgmestre à un omnipotent et fieffé trouillard. Quant à notre héroïne, Mirella, elle a un courage et une audace à faire soulever tous les cœurs, et surtout ceux des jeunes lecteurs.
Voici un roman pour ados dont la langue médiévale nous ravit car l’auteure la manie avec grâce et inventivité. J’avais adoré De Capes et de mots qui annonçait déjà tout le talent de l’auteure. Celle qui se présente dans sa biographie comme ayant longuement hésité entre le grand banditisme, la piraterie et l’écriture, réunit quasiment ici les trois vocations en faisant un hold-up magistral d’un conte connu, prenant en otage notre temps (car on ne peut lâcher ce texte haletant qu’arrivé au bout) et avec ce quatrième roman finement ciselé, la voici auteure jeunesse consacrée.
Le site de Flore Vesco
L’Estrange Malaventure de Mirella
Flore Vesco
220 p., l’école des loisirs, 15,50 €
(dès 11 ans)
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