Il voulait changer l’école pour que chaque enfant s’y sente bien et concerné. Avec Non à l’ennui à l’école, Maria Poblete retrace le destin de Célestin Freinet et avec lui, nous invite à une rentrée joyeuse et régénérante !
« Je suis fébrile. Je porte mon beau costume, celui des grands jours, celui des rentrées des classes. La veste, est-elle bien ? Pas trop sombre pour les enfants, pas trop classique ? Et mes chaussures ? Elles sont neuves et brillantes. Trop, peut-être ? Non, ça a l’air d’aller (…) Mes élèves seront-ils heureux ? Ne s’ennuieront-ils, pas vissés sur les bancs qui seront, c’est sûr, inconfortables ? Auront-ils envie de venir chaque matin ? »
On a tous rêvé d’un instituteur comme lui ! Parce qu’il croyait dur comme fer en une école heureuse, joyeuse, à l’initiative individuelle et à la participation active des élèves, Célestin Freinet, a, à sa manière révolutionné l’école. En retraçant quelques phases clés de sa vie, l’auteure et journaliste Maria Poblete invite le lecteur à une réflexion sur la manière d’enseigner et d’apprendre, ce qui motive et interpelle notre curiosité.
Au sortir de la Première Guerre mondiale, le jeune Célestin Freinet entame sa première rentrée en tant qu’instituteur à Bar-sur-Loup, un petit village provençal sur les hauteurs de Grasse. Affaibli par une balle qu’il a reçue lors des combats, il n’en est pas moins déterminé dans sa mission, obsédé par l’idée que ses élèves pourraient s’ennuyer. Comment faire pour qu’ils ne restent pas avachis sur leur banc ou qu’ils se chamaillent sans le moindre intérêt pour ce qu’il tente de leur apprendre ? Le directeur de l’école élémentaire, lui, possède un vocabulaire plus limité, ses maîtres mots sont : « discipline », « obéissance », « silence », « piquet »…
Célestin n’entend pas les choses ainsi. L’école, ce n’est pas l’armée, ah mais. Alors il innove ! Très vite, il réussit à récupérer l’attention des élèves amorphes, en les faisant sortir. Le calcul, ils l’apprendront lors de sorties dans les bois, en comptant les mètres et les kilomètres parcourus. Les voilà déjà capable de faire des conversions ! Il fait trop beau pour travailler, et si on déménageait dehors ? La classe se fera les après-midis dans la campagne : observer les animaux, les dessiner, faire des fiches sur eux et aménager un potager… Les élèves se méprisent les uns les autres ? Freinet les incite à raconter le métier de leurs parents et d’en écrire les histoires qu’il publiera dans un journal de l’école. Et voilà les enfants de rédiger. La fierté d’affirmer ce qu’ils sont renaît, les élèves ne se toisent plus, ils coopèrent, deviennent de vrais petits reporters, font attention à leur orthographe… Quel succès !
Mais c’est sans compter les mauvaises langues du village qui trouvent que les dictées et les notes sont trop absentes de cet enseignement-là. Ce Freinet, ne serait-il pas bolchevique ? Les notables du village lui jettent des pierres et l’oblige à démissionner…
Il en faut beaucoup plus pour arrêter Célestin Freinet. Pus que jamais sa vie est engagement : « J’aimerais tant donner à tous la possibilité de s’épanouir. C’est par l’école et l’éducation qu’on devient des hommes libres. » Son école idéale, renaîtra plus loin, à Vence, aidé de sa femme Elise, une artiste accomplie qui fait travailler ses élèves en les faisant dessiner librement. Ils ont supprimé les manuels scolaires, s’inspirent de la vie des enfants pour les cours. Les visages souriants, l’enthousiasme des élèves sont leur plus belle récompense.
Dans ce court roman historique, Maria Poblete retrace le destin de celui qui a ouvert la voie aux Montessori et autres éducateurs visionnaires. La pédagogie Freinet est célèbre et l’école existe toujours à Vence, elle a même été classée patrimoine de l’Unesco. Ce texte est à lire par tous ceux qui se sentent concernés par l’enseignement, c’est aussi une belle réflexion pour ceux qui s’interroge sur l’utilité d’apprendre. Lorsqu’il n’y a plus de sens, Freinet en donne. Et l’un de ses enseignements à retenir, c’est une règle universelle valable à toute époque : on ne réussit bien que ce que l’on aime faire vraiment, alors travaillons nos passions, et aidons nos enfants à les développer.
Non à l’ennui à l’école
Coll. Ceux qui ont dit non
Maria Poblete
96 p., Actes Sud Junior, 9 €
(dès 12 ans)
Camille S dit
Bel article sur Freinet.
Mais si je peux me permettre, Freinet c’est l’entre-deux-guerres, Montessori date d’avant…! Donc on ne peut pas vraiment dire qu’il ait ouvert la voie à cette grande dame.
Merci