Christophe Guillaumot, policier et auteur de polar, nous embarque avec Le bureau des affaires non résolues, dans une enquête menée par un duo improbable, un lycéen à la déroute et un inspecteur de police mis à l’épreuve par sa hiérarchie.
« Elle court tous les soirs. Elle ne déroge jamais à la règle. Elle court lorsque le temps est clément, que le soleil fait suer sa peau, lorsque gronde le tonnerre ou quand le froid glace ses muscles et gèle les cheveux. Et même quand la nuit surprend en plein hiver, elle court. Chaque jour, une fois son travail terminé, elle emprunte le même chemin qui débute au pied de sa maison, en contrebas de la digue qui protège le quartier d’une montée soudaine de la Garonne. Elle attrape les escaliers, les monte un à un pour travailler les fessiers puis rejoint la coulée verte qui offre une percée dans le centre de Toulouse. Son berger des Pyrénées galope à ses côtés, ni trop devant, ni trop derrière, comme elle le lui a appris. C’est fou comme les chiens écoutent bien leur maître… »
Voici un polar palpitant dont le héros, Gaspard Maltazar, est un lycéen, peu assidu, aux penchants parfois foireux… Il faut dire qu’il a quelques excuses, son enfance aurait pu être plus radieuse. Un grand-père éleveur de chevaux, dont le haras disparaît dans un incendie criminel et qui meurt peu de temps après, un père vétérinaire, ombrageux, qui quitte le foyer brusquement et se volatilise alors que Gaspard n’a que six ans… Et une mère qui essaie de tenir la barre avec, malgré tout, une légère tendance à noyer son chagrin dans l’alcool… Gaspard a plutôt un bon fond pourtant, mais voilà, il ne peut pas s’empêcher de faire des conneries et se retrouve encore une fois au commissariat après une tentative « d’emprunt » de voiture « parce qu’il ne voulait pas rentrer sous la pluie ».
La commissaire Berthelot, femme de poigne, lui met un marché entre les mains. A seize ans, il peut bénéficier d’un programme expérimental : être associé à un policier et venir l’assister quelques heures tous les jours après les cours, une façon de réapprendre le droit chemin : « Le but est de reprendre des affaires non résolues et de les appréhender avec un regard différent. C’est un projet de réinsertion. »
Bref, c’est ça ou la prison pour mineurs, Gaspard n’a d’autre choix que d’accepter. Il fera équipe avec Ruben Arcega, un policier qui a également quelques preuves à faire pour réintégrer son service, sinon il sera affecté à vie au bureau des plaintes… Tout un programme. A priori, ce n’est pas l’association du siècle, mais tous deux décident de tenter leur chance et de prendre au sérieux ces « cold case ». Contre mauvaise fortune bon cœur, Gaspard décide de jouer le jeu. Il choisit, parmi les cartons d’archives, une affaire d’animaux mutilés. Des chevaux… peut-être cela lui rappelle-t-il son enfance au haras ? Des bêtes ont été amputées les unes après les autres d’une partie du corps, un membre ou un organe. Cent vingt-sept plaintes au total. Pourquoi ? Un vrai mystère.
Avec Ruben, l’adolescent apprend vite, le jargon du milieu, les réflexes à acquérir, les différentes pistes à suivre et surtout les occasions à saisir… En poursuivant l’enquête, sur des sentiers parfois à la limite de la légalité, Gaspard va comprendre qu’ils ont affaire non seulement à un ancien serial killer de chevaux mais qui pourrait avoir resurgi et repris du service. Cette fois, il s’attaquerait à des jeunes femmes solitaires. Le monstre est toujours en liberté et cette fois-ci, il collectionne les parties humaines. En suivant son intuition, Gaspard pourrait se retrouver dans de beaux draps…
La police et les enquêtes, Christophe Guillaumot, commandant de police au SRPJ de Toulouse, où il dirige la section des courses et des jeux, les connait bien. Et il excelle en littérature noire, son premier roman, La Chasse à l’Homme (Fayard) a été couronné du prestigieux prix du Quai des Orfèvres en 2009. Pour son deuxième polar pour ados, il réussit à intriguer aussi bien sur l’enquête qu’à rendre attachant cet improbable duo : Ruben, le flic plutôt solitaire et bourru, et Gaspard l’ado à la vie trépidante. Le lycéen navigue entre ses histoires de cœur, Jade ou Anthéa ?, sa bande d’amis, Mickey, Lucie et Baptiste avec qui il organise des expéditions urbaines nocturnes dans des endroits peu recommandables, des urbex pour les initiés, afin d’éprouver leur adrénaline et leurs qualités photographiques dans des concours, auxquelles s’ajoute son engouement pour le métier d’enquêteur. Car du projet de réinsertion à la vocation, il n’y a qu’une filature… Et Gaspard semble y prendre goût. D’autant qu’un autre mystère, lui, n’est toujours pas résolu : qu’est devenu son père ? Gaspard a-t-il attrapé le virus de l’enquête dans l’optique de régler ses propres questionnements ? Son histoire familiale ressemble bien à un gigantesque cold case ! « Si un jour tu veux devenir flic, il faudra que tu apprennes à aller là où sont tes peurs », lui a conseillé Ruben. Et on dirait qu’il a touché juste…
Un vent de frisson avec un serial killer en liberté, une action rondement menée avec une justesse de descriptions et d’actions, un choc des générations qui fonctionne à plein, voici les ingrédients de ce polar qu’on ne lâche pas. On ne demande qu’à lire la suite de ces enquêtes non résolues car on imagine que ce duo bien rôdé ne va pas s’arrêter là.
Le bureau des affaires non résolues
Christophe Guillaumot
328 p., Rageot, 15,90 €
(dès 13 ans)
Lire un extrait ici
L’auteur est à retrouver à Pau, pour le Salon un aller-retour dans le Noir.
Le bureau des affaires non résolues
Christophe Guillaumot
328 p., Rageot, 15,90 €
(dès 13 ans)
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