Vous allez adorer ce conte musical écrit par Timothée de Fombelle, mis en musique par le groupe Contraste et illustré par Benjamin Chaud. L’Histoire ? Celle d’une petite Georgia triste, ses rêves blottis au fond d’elle qui ne demandent qu’à éclore. Ce rêve ? Chanter. Comment va-t-elle le réaliser ? Pour le savoir, montez le son de cette histoire touchante et formidablement entraînante.
Au programme : une rencontre avec Timothée de Fombelle, le making of du disque et la chanson Tous mes rêves chantent interprétée par Ben Mazué !
Les passions naissent-elles de la solitude et du désarroi ? Peut-être. De la volonté et des rencontres aussi, c’est toute l’histoire des débuts de la chanteuse Georgia (en hommage au grand Ray Charles) qui nous confie comment la petite graine de chanteuse a poussé en elle.
Une petite Georgia qui, un jour, se retrouve chez sa tante. Triste, immensément triste, elle a dû quitter sa maison et a été séparée de sa sœur. Heureusement dans sa valise maigrichonne, elle a emportée avec elle tous ses rêves, ses seuls amis. Et ils sont poilants ces rêves (joliment dessinés par Benjamin Chaud), petits personnages bruyants, joyeux, un brin foutraques et empêcheurs de tourner en rond. Ses rêves la conduisent vers la musique, la poussent à chanter. Jusqu’au jour où la ritournelle d’un violon mélancolique monte derrière le radiateur de sa chambre. Une petite voix murmure… Il y aurait quelqu’un, là derrière ? Chut… un garçon de chair et d’os vivrait là, derrière le mur. Un garçon qui vit cent ans plus tôt et qui amènera Georgia à réaliser pleinement son rêve.
C’est un conte lanceur de vocation qu’a concocté Timothée de Fombelle pour son public de prédilection. Convoquer l’imaginaire, nous pousser à sortir du réel pour réaliser nos rêves pour de vrai, c’est tout lui, ça ! Un conte magnifiquement interprété par la fine fleur de la chanson française et qui deviendra une comédie musicale en 2017 : avec Pauline Croze, Emily Loizeau, Albin de la Simone, Marie Oppert, Alain Chamfort, Ben Mazué et bien d’autres. Montez le son, chantez et dansez !
La chanson, Tous mes rêves chantent, par Ben Mazué
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=pYT_B3wN9rY[/youtube]
Rencontre avec un Timothée de Fombelle, chaleureux et enthousiaste, autour d’un café viennois.
Comment est né ce projet ?
C’est une belle aventure ! Arnaud Thorette, le directeur artistique de Contraste et les gens de cette maison de production sont venus me chercher. Ils n’avaient jamais travaillé pour la jeunesse mais ils avaient ce rêve de produire une comédie musicale comme le fut autrefois Emilie Jolie. C’était d’ailleurs un sacré risque, car des disques mythiques tels qu’Emilie Jolie, il y en a un tous les trente ans (rires) !
Contraste est à cheval entre le jazz, la pop, le classique et ils font un beau travail de transmission sur la culture classique auprès de populations défavorisées. Ils avaient aussi cette envie de faire quelque chose en direction du jeune public car ils travaillent avec SOS Villages d’enfants, une association qui s’engage à ne pas séparer les fratries lorsqu’il arrive un drame aux parents. Anny Duperey qui joue « le grand rêve de Georgia » dans le disque est marraine de cette association car elle-même a été séparée de sa sœur, très jeune, comme elle le raconte dans son magnifique livre Le Voile noir.
Ecrire des chansons, cela correspondait à une vraie envie chez vous ?
J’avais déjà écrit quelques chansons pour le théâtre, mais peu finalement. Il y a eu concordance entre leurs fantasmes d’Emilie Jolie, ma passion pour le son, et pour la chanson française en général, et pour l’appel de la nouveauté. En revanche, je ne connaissais absolument ni Le Soldat rose, ni Emilie Jolie et j’ai profité de mon ignorance pour écrire sans ces filtres-là. J’ai eu carte blanche et j’ai pris un plaisir fou ! J’ai conçu aussi les chansons pour qu’on puisse les écouter toutes seules, pour qu’elles existent en tant que telles.
Comment avez-vous procédé ?
Une sollicitation ne peut marcher que si elle rejoint une envie déjà présente en soi. Il fallait donc que j’ai une histoire qui compte. Mais c’est vrai que j’ai toujours des histoires qui attendent (rires). Il fallait un enfant bien sûr, que la musique ne soit pas un prétexte, qu’elle soit au centre de l’histoire. Je voulais montrer que la musique ouvre des horizons, libère des perspectives. Je connais beaucoup de gens qui ont été sauvé par la musique, et donc je la voulais comme un personnage de l’histoire. Qu’elle soit une « déclencheuse ».
Comment est né le personnage de Sam ?
Il y a toujours une obsession qui me travaille. A ce moment-là, j’étais impressionné par l’immeuble situé au 14 rue de la Corderie, qui se trouve en face de mon atelier, et qui est l’endroit où ont été fomentés les tout débuts de la Commune de Paris. Je suis très curieux de cet hiver où a eu lieu le siège de la Commune. Je ne le dis pas explicitement dans l’histoire, mais pour moi Georgia est en 1970, et celui qu’elle va rencontrer, Sam, vit en 1870. Les cent ans qui les séparent c’est ça, un hiver et un printemps incroyables. Avec un Paris fermé, dont il est impossible de sortir. On envoie des messages par pigeons voyageurs, la capitale est assiégée par les Prussiens et est barricadée comme jamais. C’est romanesque à souhaits, mais le but n’était pas d’étaler ma science, simplement de garder le romanesque, d’enlever l’Histoire et de mettre la poésie à la place. Je voulais que cette amitié soit impossible car le mur qui les sépare est de cent ans.
Le dialogue avec Sam, ce garçon qui joue du violon derrière le mur, et qu’elle ne voit pas, est-ce une métaphore avec les amitiés virtuelles, les « amis » derrière les écrans ?
Georgia pourrait se lier d’amitié avec une camarade d’école, mais non, elle choisit ce qu’il y a derrière le mur. Elle choisit ce qui est inaccessible. Je n’ai pas pensé aux écrans… mais c’est quelque chose qui m’interroge en effet.
La petite Georgia vit chez sa tante, entourée de personnages assez rigolos. Qui sont-ils ?
Ce sont les rêves de Georgia. Des rêves qui chantent. J’ai une chance extraordinaire que Benjamin Chaud illustre tous ces petits personnages qui sont tous à la fois drôles, joyeux, râleurs et un peu des emmerdeurs aussi (rires). Les rêves nous arriment dans le réel, sinon nous restons dans les sensations. Ils vont jeter une flèche loin devant cette tristesse que la petite fille ressent temporairement car elle se trouve séparée des siens.
Les chansons racontent l’histoire, chantés par les rêves de Georgia, c’est pour cela que le sous-titre est « Tous mes rêves chantent ». Je crois qu’on porte tous en soi ce genre de rêves et on a besoin d’un déclencheur. Il y a très longtemps, j’ai croisé un homme dans la rue, il m’a regardé d’un air étrange. Il s’est arrêté devant moi et m’a regardé fixement. Puis, il a pointé deux doigts vers mon visage, en me disant bien en face « Les yeux ? Poète ! Poète. » Ça m’a ébranlé, mais ça venait sans doute chercher quelque chose qui était là.
C’est donc l’histoire d’une vocation ?
Oui, c’est l’histoire de nos rêves qui prennent le pouvoir sur notre vie. Mais à un moment, il faut savoir les écarter. Car il faut bosser, il faut s’exposer. C’est un parcours initiatique assez classique, je choisis souvent ce moment de l’enfance et de l’adolescence où ces révolutions se passent dans un temps ramassé – ce qui est idéal quand on est romancier. D’ailleurs, si j’écrivais pour les adultes, j’écrirai aussi sur cet âge. On me demande souvent lors de rencontres, pourquoi je choisis ces deux thèmes : l’adolescence et la guerre. Et je réponds : « Mais c’est la même chose ! » (rires) Même si c’est un peu exagéré, bien sûr, l’adolescence c’est la rébellion, donc c’est la guerre.
Comme votre personnage Sam, vous êtes un passeur…
Quand je fais des rencontres dans les classes, souvent je commence ainsi : « Je me doute que parmi vous, certains écrivent » et, là, je vois deux regards étonnés qui s’agrandissent, je poursuis « certains dessinent… », et là quelques têtes se lèvent, « et d’autres chantent », là souvent ils sont plus nombreux et ils assument davantage (rires) ! J’adore observer ces forêts de talents. Tout à coup je leur parle, non pas de mon travail, mais de ce qu’ils sont en train de faire, je suis un peu le Sam du siècle suivant.
On retrouve l’un de vos thèmes favoris, présent dans presque tous vos ouvrages : Vango, Le livre de Perle, en passant par Victoria rêve : celui de l’évasion.
Oui, la captivité permet de rêver autrement. Et ce garçon, enfermé avec son violon dans une maison d’un autre siècle, c’est aussi quelque chose qui déchaîne l’imaginaire. Sam est celui qui encourage, qui autorise Georgia à accomplir son rêve. C’était important pour moi que le déclencheur ne soit plus un rêve mais un être réel, une énergie beaucoup plus incarnée. C’est pourquoi le personnage de Sam est devenu central et la grande question qui reste en suspens est : est-ce que finalement il ne s’est pas évadé par le monde de Georgia ?
Tous ces rêves vont en appeler d’autres…
Les rêves grandissent dans les feux de la rampe, ils nous poussent à l’action, à dire ce que l’on a à dire, ils nous propulsent aussi dans le rêve d’après, c’est vrai. Quand je m’arrête, ça papillonne autour de moi : je rêve toujours que mon plus beau projet sera le suivant.
Pourquoi avoir choisi plusieurs chanteurs différents ?
Il fallait des voix très différentes pour incarner tous ces rêves dont je ne savais pas du tout à quoi ils pouvaient ressembler physiquement, mais dont j’avais la voix. Donc la multitude des voix permettait d’illustrer ce kaléidoscope qui raconte la palette de sensations qu’il y a à l’intérieur de Georgia. C’est une sélection très affective d’artistes comme Magali Léger qui est une chanteuse lyrique, ou comme Alain Chamfort qui ouvre l’album avec la chanson sur le thème des secrets.
Quels sont les chanteurs et chanteuses qui vous inspirent ?
J’aime les chansons à textes. J’ai grandi avec des références peu révolutionnaires : il y a du Brel, du Brassens, Edith Piaf ou Léo Ferré. Et puis il y a Renaud. C’est un parolier qui a marqué mon écriture de romancier, je suis très touché par ses textes (principalement de 1976 à 1988). Je suivais ses albums au fur et à mesure qu’ils sortaient. Et j’ai eu la chance d’assister à l’un des derniers concerts de Barbara. Ce sont des artistes qui me touchent énormément car ils racontent des histoires. D’ailleurs, on crève aujourd’hui de chanteurs qui ne savent que chanter… Gainsbourg, Bashung, est-ce qu’ils chantent ? Non, ils racontent. J’ai eu aussi quelques grands chocs de chanson comme La lettre de Renan Luce et un chanteur m’a beaucoup marqué dans les années 90, c’était Mano Solo, le fils de Cabu.
Que retenez-vous de cette aventure ?
Pouvoir admirer les gens avec qui on construit un projet commun ! Je trouve extraordinaire que chacun ait la sensation qu’il sera incapable de faire ce que le voisin fait dans un même projet. C’est-à-dire qu’on dit à une chanteuse : « fais ½ ton plus haut » et elle le fait tout de suite, et moi si on me dit de changer la couleur d’un texte, je peux le faire. Même si j’ai l’impression que ce que je fais est moins précis qu’un pianiste. Dans ce projet là, ce qui me réjouit, c’est que j’ai pu mettre ma patte tout en m’étant mis entièrement au service des autres. C’est surtout une formidable aventure collective !
Le making of du disque
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=Og2ta3c8Tnw[/youtube]
Georgia – Tous mes rêvent chantent
Timothée de Fombelle, lu par Cécile de France, avec la participation d’Anny Duperey, ill. Benjamin Chaud.
Production de l’ensemble Contraste dirigé par Arnaud Thorette et Johan Farjot. Avec Alain Chamfort, Babx, Amandine Bourgeois, Raphaële Lannadère, Karine Deshayes et Magali Léger, Emily Loizeau, Pauline Croze, Albin de la Simone et Marie Oppert, Ariane Moffatt, Rosemary Standley, Florian Laconi, Ben Mazué et la maîtrise de Paris.
Gallimard jeunesse, Livre-CD avec 68 minutes d’écoute.
24,90 €
Pour tous les âges !
Copyright photo Timothée de Fombelle : CHelie, Gallimard
La LIcorne à Lunettes dit
Merci pour cet article empli de sincérité et d’émotion… Passionnant auteur, habité, engagé, vibrant de cette musique intérieure qui résonne en nous, qui nous transporte loin. Un moment rare récemment partagé lors d’un atelier NRF aux côtés de François Place.
Mimi dit
Whaou ! coup de coeur !
Merci pour cette belle découverte !
Et hop, sur la wish-list !