Les enfants non plus n’y couperont pas. Commémoration du Centenaire oblige, les rayons jeunesse de nos librairies déversent aussi leur lot de romans, récits et documents consacrés à la guerre 14-18. Voici une première sélection, à partir de 10 ans.
Le jour où on a retrouvé le soldat Botillon (dès 11 ans)
Hervé Giraud (éd. Thierry Magnier), 134 p. 9 €
Nos corps terrifiés exultent la trouille
car il faut faire semblant d’être un homme.
(…)
On a compris que nos vies pesaient moins lourd que la nécessité de renvoyer l’ennemi chez lui.
(…)
… on marche courbés, serrant les rangs et protégeant nos poitrines fragiles en tenant le fusil tout contre, comme si un fusil ça protégeait celui qui le tient.
(…)
Dans les journaux, partout, ils ont écrit qu’on était partis contents, la fleur au fusil, qu’on allait être à Berlin plus vite qu’avec le train…
On vit sous la menace du conseil de guerre et de se faire fusiller si on refuse les ordres.
Rien de tel que le roman pour raconter la portée de la guerre ; sur ceux qui l’ont vécu bien sûr, mais aussi sur les générations à venir. Celui d’Hervé Giraud m’a profondément émue. Car en décrivant l’expérience du soldat Botillon, il nous amène à nous mettre dans la peau d’un Poilu. Le roman alterne habilement l’histoire de Noël Botillon, mobilisé la bague à peine passée au doigt de son Églantine, et un épisode de la jeune vie de son arrière-arrière-petit-fils. On plonge ainsi dans la guerre des tranchées, l’horreur, la boue, l’absurdité de la guerre, avec en contrepoint, un grand jardin comme un terrain de jeu, sous un soleil d’été, dans une maison familiale, sorte de « Château de la Loire en réduction ». On y fête le centenaire d’Avril, une arrière-grand–mère « tellement vieille qu’elle a vécu au moins deux guerres mondiales et qu’on est surpris chaque année qu’elle ne soit pas encore morte ». Sous les yeux de ses petits-enfants déchaînés qui jouent à la guerre au jardin avec des pistolets de Paint-ball.
« Le sang, ce n’est pas du sang, c’est de la peinture.
Ces deux enfoirés nous ont tiré dessus avec un pistolet de Paint-ball.
Ils se sont planqués et nous attaquent au mépris des conventions de Genève. »
Les gosses se demandent ce qu’ils font là, l’aïeule se souvient et montre à son arrière-petit-fils la croix de guerre de son père, Noël, mort pour la patrie. Un père qu’elle n’a jamais connu. Vous l’aurez compris, la vieille dame, c’est la fille du soldat Botillon. Lui qui apprit dans une ultime lettre reçue sur le front qu’Eglantine était enceinte au moment de sa mobilisation. La reverra-t-il ?
Toute la subtilité du roman est de nous faire comprendre la douleur de la guerre, non seulement par sa violence, son absurdité, mais par ses conséquences. L’absence du père, le manque de tendresse, mais surtout l’impossibilité du devoir paternel envers sa fille, l’impossibilité de communiquer avec elle. Car Botillon ne meurt pas à la guerre, il meurt à lui-même, ce qui est pire. Il survivra, horrible gueule cassée qui n’osera jamais se montrer. C’est de loin qu’il chérira sa fille, qu’il veillera sur elle comme une ombre, se glissant la nuit sous ses fenêtres, accomplissant son devoir de père comme il peut, tel le spectre que la guerre a fait de lui. Une ombre dont Avril sentira malgré tout la présence. La force du roman est de rendre concret cet épisode d’hier pour les enfants d’aujourd’hui, mais je n’en dévoile pas plus pour préserver l’effet de surprise. Ce roman de la guerre, qui chuchote son horreur comme un roman de l’intime, est une vraie belle découverte.
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Trois frères dans la guerre (dès 12 ans)
Anne Collognat-Barès (Hachette), 288 pages, 13,90 €
Dans l’excellente collection Hachette Témoignages, les ados les plus aguerris découvriront une correspondance inédite de trois frères, Jean-Baptiste, Justin et Henri Blazy-Lauzette, trois paysans ariégeois mobilisés dès août 1914. Loin de leurs familles, ils s’installent dans l’ennui en attendant les combats. Alors les lettres fusent et s’échangent entre ces trois-là, leurs parents, leurs femmes. Jean-Baptiste arrive à Verdun à la mi-novembre, et vit dans la boue des tranchées, un choc pour ce jeune homme qui n’avait jamais quitté la vallée de Saurat.
« Il y a dans ce bois une activité qui n’est pas ordinaire et tous ces baraquements moitié dans la terre, moitié par-dessus, ressemblent une ville arabe. »
Les longues missives sont instructives sur l’état d’esprit des soldats, l’ennui, l’attente, l’absence de permission, les détails pratiques de la vie quotidienne, les bas, le saucisson que l’on espère dans le prochain colis… mais aussi sur la lucidité et la dignité comme le prouve une lettre émouvante de Jean-Baptiste à son fils de quatorze ans à qui il ne cache rien de la réalité de la guerre et l’encourage à être digne et responsable :
«…l’on tire depuis dedans les tranchées, mais le jour où il faudra faire une sortie et monter un assaut ce sera terrible et très meurtrier. Cependant, j’ai toujours confiance ; et il faut faire son devoir et ce qui diminuera ma peine ce sera que tu travailles toujours avec zèle et puis, comme en homme réfléchi, tu me promettes d’être le soutien de ceux qui nous sont chers. »
Et de leurs rapports ambigus aux Allemands. Après la nuit du 31 décembre 1914, Jean-Baptiste écrit à sa femme :
« Des Allemands qui étaient en face de nos tranchées ont crié pour se foutre de nous sans doute : Camarades français, bonne année ! »
Et puis, il y aura les combats…
Anne Collognat-Barès a rassemblé cette correspondance prolifique de la famille – plus de 200 missives ! – qu’elle éclaire et rend compréhensible pour le jeune lecteur grâce à de petits résumés et des encadrés décryptant les conditions de la guerre. Le document est très riche de fac-similés de lettres, cartes postales, photos et dessins – Henri envoie à ses parents un schéma d’une tranchée « trou de loup ». Un document émouvant pour entrer de plein fouet dans la réalité d’une famille en guerre.
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Comment parler de la grande guerre aux enfants (dès 10 ans)
Sophie Lamoureux (Le Baron perché) 16 €
Journaliste et auteur de documentaires à destination des enfants, Sophie Lamoureux s’adresse dans ce premier ouvrage aux parents et leur donne les clés pour évoquer la guerre avec leurs enfants selon leur âge. On comprend pourquoi il est important d’en parler : parce qu’elle fait partie de notre histoire – même si à échelle d’enfant, cela paraît être la Préhistoire ! – parce que raconter seulement la version officielle ne suffit pas, il faut aussi regarder les multiples histoires vécues pour mieux appréhender la réalité de la guerre. Parce qu’elle permet de montrer qu’une guerre n’est pas une fatalité, et de mieux comprendre le XXe siècle avec les conséquences directes de la guerre 14-18.
Découpé par thématiques, cet ouvrage rappelle les grands fondamentaux, puis sous forme de fiches, prend le parti de répondre aux questions d’enfants qu’elle a recueillies : Qu’est-ce qui a déclenché la guerre ? Pourquoi l’appelle-t-on la Grande Guerre ? A quel âge devenait-on soldat ? Qui a creusé les tranchées ? Sont-elles toutes les mêmes ? Qui commande l’armée française ? A quoi servent les masques à gaz ? Comment se passe la vie à l’arrière du front ? Il y a eu combien de morts au total ?
Un excellent « basique » pour savoir bien aborder ce sujet avec des enfants de 5 à 14 ans.
Sur la piste du Soldat inconnu ** (dès 10 ans)
Sophie Lamoureux, Actes Sud junior, 124 p., 14,90 €
L’écrivain Roland Dorgelès, auteur des Croix de bois, participe, début novembre 1920, à une étrange mission : celle de ramener neuf corps du champs de bataille de Verdun. L’un d’entre eux sera choisi pour symboliser un soldat tombé pour la France. En partant à la recherche du soldat inconnu, Sophie Lamoureux avance des suppositions : il aurait pu s’appeler Jean, Emile ou Jules… être un paysan breton, déjà fiancé ou marié.
En balayant toutes les hypothèses d’âge, de grade, d’origine ou de noms, le jeune lecteur s’approprie des faits et entre petit à petit dans la réalité de la guerre, glanant de précieuses informations. C’est une manière habile d’aborder, comme un enquête, cet épisode historique important.
Parfait pour les plus jeunes.
le Jean bart dit
c’est l’occasion de donner quelques d’enseignements sur ce qui a été la première guerre mécanisée et ou des millions de gens sont morts pour des raisons obscures comme toujours , l’expansion des peuples dominants , le bolchevisme en Russie une avant première avant de préparer la seconde alors encore plus dévastatrice
Nathalie Riché dit
Oui. les livres de Sophie Lamoureux évoquent les conséquences politiques de la Première guerre mondiale.
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