Marie Desplechin, Davide Cali et Eric Sanvoisin, trois auteurs jeunesse s’emparent de la question du harcèlement et des violences à l’école par la fiction. Persécutions, mécanismes des rapports de force et jeux dangereux sont décortiqués pour aider les 9-12 ans à en parler, avant qu’il ne soit trop tard.
Mauve, par Marie Desplechin
L’école des loisirs, coll. neuf, 208 p., 8,90 €
On l’attendait depuis longtemps ce dernier opus de la trilogie démarrée en 1996 avec Verte et poursuivie avec Pome. Un succès incroyable : 695 000 exemplaires vendus en France et traduits dans une dizaine de langues ! Une série plébiscitée autant par les enfants que par leurs profs puisque Verte fait partie des livres recommandés sur la fameuse liste de l’éducation nationale. Voici donc Mauve, une nouvelle venue au collège, malfaisante jeune sorcière.
« Les ténèbres ont besoin de victimes.
Elles sont revenues pour le banquet du sacrifice.
Et elles ont bien l’intention de s’en mettre jusque-là. »
Rien ne va plus avec Verte et Pome ! Le comportement pour le moins énigmatique des deux filles est mis d’abord sur le compte de l’adolescence. Des ados mutiques qui se renfrognent et se replient sur elles-mêmes, rien de très anormal direz-vous… Oui mais il y a des limites, comme dirait le fidèle Soufi : « Quand vos amis s’enferment chez eux, c’est rarement parce qu’ils sont en pleine forme ». Et puis, quelque chose ne tourne pas rond dans le quartier : des voisins stigmatisent la mère de Pome, des pétitions malveillantes circulent. Ray, Anastabotte et Clorinda découvrent que les petites sont victimes de harcèlement au collège. Et quand Pome revient avec des bleu, il est temps qu’un adulte tire le fil. Et pour cela, quoi de mieux que Ray, ex-commissaire de police, amoureux transi d’Anastabotte, la grand-mère de Verte ? Qui est cet Albin Fontaine-Desfontaines au sourire carnassier et aux ondes négatives qui remonte tout le quartier contre la mère de Pome ? De quoi est faite Mauve « cette authentique fabricante du Mal, une turbine à produire de la malfaisance (…) sous l’apparence d’une poupée en casque blond » ?
Le mal est de retour… mais où va-t-il frapper ? Des grands-mères qui préparent des potions en cachette à la cave, un vieillard en pantoufles qui mène l’enquête, une mère prête à en découdre… la famille déjantée de Verte est de retour pour lutter contre les mauvaises ondes et va nous en faire voir de toutes les couleurs ! Attention cette fois, on ne fait pas que rire, ça va chauffer ! Et la courageuse Verte prouve qu’elle a grandi en affrontant seule une ténébreuse épreuve dans l’entre-deux-mondes…
Marie Desplechin a choisi de traiter du harcèlement à l’école en déplaçant les malveillances vers les sorciers pour mieux nous faire comprendre que personne n’est à l’abri : « Ces minuscules persécutions dont les adultes n’entendent jamais parler, et tous les phénomènes d’exclusion qu’on voit actuellement avec l’idée de communauté (…) En général le phénomène de regroupement, ça se passe sur l’exclusion de quelque chose, et rarement pour le bien commun. »
On est heureux de retrouver la joyeuse bande de Verte, Pome, Ursule, Anastabotte et le sympathique Soufi qui découvre qu’avec les pouvoirs que lui a transmis la grand-mère de Verte, il peut aussi jouer un rôle, et pas seulement celui de communiquer. Le livre comme vecteur de « l’agir ensemble », c’est ça la magie Desplechin !
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3 tyrans + 1 boloss = quelle vie !, par Davide Cali
Sarbacane, 64 p., 7,95 €
J’avais a-do-ré son précédent roman, L’Amour c’est mathématique ! Une histoire dans laquelle le personnage principal appliquait la théorie des probabilités mathématiques à la probabilité d’emballer une fille, dédramatisant la tension des premières histoires de cœur. Imparable et drôle.
« Tous les tyrans, même le plus fort, le plus méchant,
le plus cruel, ont un point faible. »
Ici, le sujet est un peu plus sérieux, mais toujours traité avec humour. Tom, collégien assidu, établit un inventaire un peu particulier : celui des différents types de tyrans rencontrés tout au long de sa longue carrière scolaire, depuis la maternelle jusqu’au collège. Chacun reconnaîtra « Le Menhir », une espèce primaire qui comme son nom l’indique en impose physiquement : « le Menhir est un cogneur violent, animé par une fureur aveugle. » Le genre racketteur : « Donkey Kong », un enfourneur de sandwichs compulsif, voleur de goûters et de tout ce qui peut se mettre sous les crocs. Ou encore « L’Ange de la mort », un beau gosse chef d’un troupeau de moutons biens dressés, tiens, justement celui dont parle Eric Sanvoisin dans 1,2,3… Foulard (voir ci-après).
Mais le pire des tyrans, c’est celui qui ne fait pas exprès d’en être un. Anatole, tête de gerbille à lunettes et cheveu sur la langue avec ses « Ve fuis défolé » à répétition a plutôt l’air d’un super boloss que d’un tyran. Méfiez-vous, ce sont les pires… Comment réussir à se débarrasser de cet enquiquineur pot-de-colle ? Davide Cali nous aide à déplacer le regard et à découvrir que, parfois, sous le masque du tyran peut se cacher un véritable ami. Touchant. A lire d’une traite !
1,2,3… Foulard.
C’est difficile à expliquer avec des mots. C’est un voyage loin, loin, loin…
par Eric Savoisin
Gründ, 149 p., 8,95 €
Charlotte entre au collège : de nouveaux amis, la liberté, et le beau Jordan, le rêve.
Quand le petit groupe se donne un rendez-vous le soir chez le chef de la bande pour jouer au « jeu des étoiles », l’excitation de Charlotte est à son comble. Elle veut en être ! Surtout si c’est le beau Jordan qui mène le jeu. Un jeu terriblement dangereux qui consiste à serrer le cou d’un de ses camarades jusqu’à ce qu’il s’évanouisse, oui le voyage « dans les «étoiles » est fantastique, on décolle comme si on se shootait. Oui mais on peut aussi ne plus jamais se réveiller. Et si le jeu des étoiles faisait surtout briller le charisme du dangereux Jordan ?
Eric Sanvoisin explore les mécanismes de fascination et de fuite en avant qui peut conduire les ados vers ce jeu dévastateur pour mieux les mettre en garde. Un livre important à glisser dans le cartable des jeunes collégiens, aux grands yeux tout neufs, pour qu’ils ne se trompent pas de rêve.
copyright photo Marie Desplechin : Karine Mazloumian
Elyane B dit
Parler de la violence dans les livres ne suffit pas…qui les lit les enfants ou les parents?…il faudrait avoir l avis des enfants….et que cette prise de conscience commence dès la maternelle. ..après un certain âge je pense que la tâche est plus ardue…mieux vaut des explications orales…simples et claires….pour tous…car il faut pouvoir les acheter ces livres.