La rentrée démarre fort en littérature young adult pour ceux qui prisent les romans à suspense à forte montée d’adrénaline. Avec le très dérangeant La Dose, qui paraîtra jeudi 11 septembre, Melvin Burgess nous projette à la fois dans un univers de dystopie et une atmosphère à la Breaking Bad. Le succès des séries TV influenceraient l’écriture des auteurs de littérature adolescente qu’on ne serait pas étonné…
Un roman de Melvin Burgess est toujours un événement en soi. Parce que l’auteur anglais mêle sexe, drogue et rock’n’roll à la littérature adolescente, parce qu’il traite de sujets tabous en y mettant la gomme mais surtout parce qu’ils sont toujours d’excellente facture. La Dose n’échappera pas à ses précédents opus. L’Anglais s’y lâche même davantage ! Le roman n’est donc pas à mettre entre les mains des moins de quatorze ans, car à sexe, drogue et rock’n’roll s’ajoute une violence froide qui peut ébranler. Âmes sensibles s’abstenir donc, Melvin Burgess, ce n’est pas du John Green, vous l’aurez compris.
A la différence de son précédent – et excellent – Kill all Enemies, paru en 2012, La Dose est construit comme un thriller, frôlant la dystopie. Un véritable page-turner qu’on ne lâche pas, même dans les scènes les plus insoutenables et qui se situe dans un futur pas si lointain. Dans un monde en crise, où la liberté d’expression est un joli souvenir rangé dans les musées et où les inégalités riches-pauvres se sont détériorées au plus haut point avec un taux de chômage record, une drogue déferle sur Manchester : le Raid. Son slogan ? « Vivez vite, mourrez jeune ! », car il suffit d’une prise unique pour vivre la semaine la plus exaltante de sa vie avec une liste de choses folles à expérimenter ! Oui, mais la dernière. Car au bout des sept jours, c’est la mort assurée. Jimmy Earle, star du rock en fait le bouquet final de son ultime show, convoquant des milliers de fans à assister à sa mort sur scène, une semaine après avoir absorbé la fameuse « dose ». Adam et Lizzie, dix-sept ans, fans de la première heure, sont au rendez-vous et vivent ce moment d’une intensité telle qu’il exalte et scelle leur amour.
Tandis qu’Adam et la riche Lizzie jurent de s’aimer – une planche de salut pour le jeune homme né dans les quartiers défavorisés – un vent de fronde gagne la ville. Les Zélotes, des révolutionnaires luttant contre les inégalités tentent de prendre le siège de la municipalité. Jess, frère aîné d’Adam, entré en clandestinité dans les rangs des utopistes, sacrifie sa vie pour la cause.
Dès lors la vie d’Adam bascule : son frère qu’il croyait mener une vie tranquille est mort pour la révolution, ses parents anéantis et, coup de grâce, les parents de Lizzie lui interdisent de fréquenter l’adolescent en dérive… autant dire que la vie d’Adam ressemble à un lancer de bolide destiné à s’écraser droit dans le mur. Alors, Adam décide la chose la plus folle, il avale une dose de Raid distribuée lors du concert de Jimmy Earle. Et commence à faire la « liste de ses envies ». Cette dernière semaine sera-t-elle la plus magique de sa vie ? Ou bien son pire cauchemar ? Existe-t-il un antidote ? Une course contre la montre commence, entraînant avec lui l’amour de sa vie, et surtout George Ballantine et ses sbires, des trafiquants de drogue qui donneraient du fil à retordre aux plus méchants de Breaking Bad.
Des personnages vraiment effrayants, un monde sans pitié, des révolutionnaires utopistes qui veulent changer le monde, des ados largués dans un univers au bord du chaos, avec pour seul salut la confiance qu’ils ont l’un pour l’autre, voilà le décor planté pour ce thriller haletant. Melvin Burgess parle de La Dose – dont l’idée lui a été apportée par deux professeurs de philosophie britanniques – comme : « un thriller avec une idée simple mais qui touche d’une certaine manière aux grandes questions de notre existence ». C’est toute la profondeur du texte de Burgess. Car les grandes questions de société sont bien posées : le partage des richesses d’une société, son degré de violence et de liberté, les choix politiques et les causes que l’on embrasse. Faut-il s’adapter à un système ou se révolter ? Une cause vaut-elle la peine de se sacrifier ? On ressort sonné par la lecture de ce roman puissant très cinématographique. Un grand Burgess ! Gageons qu’après avoir lu La Dose, les ados réfléchiront à deux fois avant d’en prendre mais surtout qu’ils auront matière à réfléchir au sens que l’on peut donner à sa vie.
Lire un extrait (p. 55/56)
Le site de l’auteur
photo de Melvin Burgess © John Coombes
La Dose – dès 15 ans
Melvin Burgess, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Laetitia Devaux
Gallimard jeunesse,
coll. Scripto, 309 p. 14,90 €
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