Réparons un oubli. Et profitons du prix Landerneau que vient de remporter haut la main Beatrice Alemagna pour Un Grand Jour de rien, pour revenir sur cet album qui, comme ne l’indique pas son titre, contient tout. Eh oui, rien que ça.
Nous y étions.
Pour la deuxième fois.
Ma mère et moi dans la même maison de vacances.
La même forêt et la même pluie.
Chaque jour, ma mère écrivait en silence, et moi, je tuais des Martiens.
Les auteurs jeunesse ont le don de s’attarder sur les petits riens qui font le sel de la vie, comme l’avait d’ailleurs fait Delphine Perret dans Björn, six histoires d’ours, également en lice pour le prix jeunesse Landerneau. Ces choses si minuscules mais essentielles qui devraient prendre toute la place et pourtant qu’on oublie bêtement. Ce thème, Beatrice Alemagna l’avait déjà magistralement illustré dans La Gigantesque Petite Chose. Elle réitère ici avec brio et au plus près des enfants.
Ce petit gars – qui pourrait d’ailleurs aussi bien être une fille – part pour quelques jours de vacances à la campagne avec sa mère. On l’a tous fait n’est-ce-pas ? La mère qui bosse à la campagne tandis que son enfant profitera du bon air… Sauf qu’il pleut toute la journée, et cet enfant-là, la campagne il s’en contrefiche. Seulement sauvé de l’ennui intersidéral par sa console portative : « Je ne voulais rien faire. Rien, sauf tuer mes Martiens. »
Acte 1 : l’ennui.
Acte 2 : la mère confisque la console.
Acte 3 : l’enfant la reprend en cachette et se glisse au dehors. Fuir les remontrances et les interdictions et tant pis pour la pluie…
Actes 4 : l’enfant saute sur les rochers dans la rivière et la console tombe à l’eau. Ouf, problème éliminé, on peut passer aux choses sérieuses.
Car c’est là que l’histoire commence. Au firmament du désespoir et de l’ennui, les enfants choisissent toujours la vie. Et voilà notre petit gars encapuchonné d’orange fluo de dialoguer avec les escargots, de mettre les mains dans la terre, de grimper aux arbres, de tutoyer les insectes, de s’éclabousser dans les flaques jusqu’à plus soif. Et de découvrir le ciel immense percé de rayons de soleil comme s’il en pleuvait, ivre de bonheur, tombé à la renverse dans les herbes mouillées. Le monde comme il ne l’avait jamais vu. Ou peut-être si, avec son père qui aime l’emmener en forêt pour des promenades pédagogiques. Mais découvrir l’univers avec son seul regard, c’est tellement mieux. N’est-ce-pas grandir ?
Voilà la magie à laquelle Beatrice Alemagna nous donne accès. Ce moment unique, où seul au monde, on découvre la vie vraie, pour soi, on hume, on crie à plein poumons, on sent le frais du vent et l’odeur du mouillé, on a envie d’embrasser la nature entière conçue pour nous seuls.
L’auteur nous fait vivre cette expérience exceptionnelle par sa palette aux tons qui fleurent bon l’automne et la terre, le gris des cailloux et le brun des feuilles humides. L’univers graphique de Beatrice Alemagna est fait de formes organiques et de matières : des couleurs de terre et d’eau, un trésor de petits cailloux transparents aussi précieux qu’un sac de billes, de perles enfilées comme autant de petits nuages, des lignes filandreuses comme des plantes pleines de vie, des arbres échevelés comme de bons géants protecteurs. Et dans cette nature, l’enfant trouve sa place, émerveillé, pour la ramener chez lui dans un silence satisfait et complice avec sa mère.
Un Grand Jour de rien, c’est l’accès à tous ces petits moments de bonheurs, nichés là, qui nous attendent et que nous ne savons pas toujours trouver. Beatrice Alemagna est une sentinelle bienveillante qui nous prend par la main pour nous le rappeler.
Voir la bande annonce :
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=gV6YKcQBciM[/youtube]
Un Grand Jour de rien
Beatrice Alemagna
48 p. Albin Michel Jeunesse, 15,90 €
(dès 4 ans)
Le site de Beatrice Alemagna
[…] « Ces choses si minuscules mais essentielles qui devraient prendre toute la place et pourtant qu’on oublie bêtement. Ce thème, Beatrice Alemagna l’avait déjà magistralement illustré dans La Gigantesque Petite Chose. Elle réitère ici avec brio et au plus près des enfants […] Car c’est là que l’histoire commence. Au firmament du désespoir et de l’ennui, les enfants choisissent toujours la vie. Et voilà notre petit gars encapuchonné d’orange fluo qui part dialoguer avec les escargots, se mettre les mains dans la terre, grimper aux arbres, tutoyer les insectes, de s’éclabousser dans les flaques jusqu’à plus soif. Et de découvrir le ciel immense percé de rayons de soleil comme s’il en pleuvait, ivre de bonheur, tomber à la renverse dans les herbes mouillées. Le monde comme il ne l’avait jamais vu. Ou peut-être si, avec son père qui aime l’emmener en forêt pour des promenades pédagogiques. Mais découvrir l’univers avec son seul regard, c’est tellement mieux. N’est-ce-pas grandir ? […] L’auteur nous fait vivre cette expérience exceptionnelle par sa palette aux tons qui fleurent bon l’automne et la terre, le gris des cailloux et le brun des feuilles humides. L’univers graphique de Beatrice Alemagna est fait de formes organiques et de matières : des couleurs de terre et d’eau, un trésor de petits cailloux transparents aussi précieux qu’un sac de billes, de perles enfilées comme autant de petits nuages, des lignes filandreuses comme des plantes pleines de vie, des arbres échevelés comme de bons géants protecteurs. Et dans cette nature, l’enfant trouve sa place, émerveillé, pour la ramener chez lui dans un silence satisfait et complice avec sa mère. » (cit. blogs.lexpress.fr) […]