Tiré du journal de Michal, un petit Polonais, pendant l’été 1939, J’ai vu un magnifique oiseau, est un incroyable témoignage de la guerre à travers les yeux d’un enfant de 8 ans. Un chef d’œuvre.
«Cette année-là, j’avais huit ans.
Chaque jour, durant l’été, j’inscrivais une phrase dans un cahier.
Une chose qui m’était arrivée.
C’était mon devoir de vacances.
La condition qui me permit de passer en classe supérieure.
Ce cahier, je l’ai conservé jusqu’à aujourd’hui… »
Cet été-là, Michal qui habite Varsovie est envoyé avec son petit frère et sa nourrice dans une pension d’Anin, non loin de la capitale. A la demande de son professeur afin de faire des progrès en écriture et en polonais, Michal s’efforce de rédiger chaque jour un fait marquant de sa journée. Un exercice simple auquel il se tient partout où il réside.
18 juillet : je suis allé dans la forêt avec un copain.
23 juillet : j’ai trouvé une grosse chenille et je l’ai installée dans mon jardin.
7 août : j’ai attrapé une guêpe dans mon verre.
Comme elles semblent légères ces phrases posées en suspension dans la chaleur étouffante de l’été continental. Cet enfant appliqué à son journal pourrait être vous, moi. Les vacances à la campagne se ressemblent toutes : courir après un oiseau, faire une balade dans les bois, attendre la visite d’un parent, observer la forme des nuages dans le bleu du ciel… Oui, cela pourrait être anodin, sauf que nous sommes en 1939, en Pologne, à la veille de la guerre.
Et peu à peu, chaque phrase, chaque anecdote se drape d’une couleur, d’une émotion particulière et d’une tension croissante pour le lecteur.
25 juillet : il y a eu un orage terrible.
26 juillet : un avion a fait des cercles au-dessus d’Anin.
12 août : mon frère est tombé malade.
15 août : je suis rentré à Varsovie.
S’égrènent les jours et les menues anecdotes d’une vie quotidienne, le petit Michal continue modestement son exercice.
23 août : j’ai mangé une glace au salon de thé
25 août : j’ai lu une belle histoire
29 août : papa est venu me rendre visite.
A la lecture de ces petits riens, nous tremblons à l’approche irrémédiable de la guerre, car le sous-texte, lui, dit tout du drame qui va se jouer. Michal ne sait pas que c’est la dernière fois qu’il verra son père.
1 septembre : la guerre a débuté
3 septembre : je me suis caché à l’approche des avions.
6 septembre : ils ont largué une bombe près de chez nous.
On salue le génie de l’éditeur polonais qui a eu l’idée d’en réaliser un album, une prouesse de sobriété et de beauté grâce aux illustrations d’Ala Bankroft qui laissent toute la place et le temps au lecteur d’imaginer ce que Michal pouvait ressentir et ce qui allait advenir de cette enfance dans la tourmente. L’intensité dramatique naît du décalage entre le texte si mince et la tragédie des événements renforcées par les gouaches tour à tour lumineuses de fraîcheur pour évoquer les vacances dans les clairières ou sombres lorsque viennent les temps qui grondent.
10 septembre : Il va y avoir une terrible bataille.
12 septembre. Des shrapnels sont passés au-dessus de notre maison.
14 septembre. Varsovie se défend courageusement.
Tous ces mots authentiques frappent de vérité, celle d’un petit garçon qui a vu la guerre arriver dans la simplicité des jours sombres et cherchant au milieu des jours, une faille pour l’espoir.
Les illustrations restituent avec simplicité et force la beauté d’une nature insolente d’un été inoubliable. Des contrastes de lumière amènent subtilement peu à peu la tragédie qui vient jusqu’à ce qu’éclatent les noirceurs de la guerre.
Les dernières pages de l’ouvrage reproduisent la belle écriture de Michal dans son cahier d’écolier aux larges lignes. Michal est toujours en vie, son père aviateur, lui, a été tué le 9 septembre 1939.
Un texte magistral à partager à tout âge.
J’ai vu un magnifique oiseau
Michal Skibiński, traduit du polonais par Lydia Waleryszak
illustrations Ala Bankroft
120 p., Albin Michel jeunesse, 14,50 €
(dès 6 ans)
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