Timothée de Fombelle nous enchante avec son nouvel album, Esther Andersen. Illustrée avec délicatesse par Irène Bonacina, il nous raconte la plus troublante des premières fois.
« C’était les vacances.
Le premier jour, je prenais le train tout seul avec ma valise.
C’était chaque fois le plus beau jour de ma vie. Je regardais les gens.
Le contrôleur m’appelait « jeune homme ».
L’oncle Angelo m’attendait à la gare.
J’étais le seul à descendre du train, comme dans les westerns.
Il me disait qu’il avait failli être en retard, mais avec ses yeux qui brillaient quand il prenait ma valise, j’étais sûr qu’il m’attendait sur le quai depuis l’été d’avant… »
Voici un livre qui fleure bon les vacances. Un été immobile, l’enfance qui s’étire dans l’éternité d’une campagne isolée et puis une révélation, folle, insoupçonnée…
L’auteur multi primé Timothée de Fombelle est de retour avec une histoire solaire, laissant surgir la poésie au creux des événements les plus minces. Prenons les ingrédients de celle-ci : une maison au milieu des champs de maïs éclatants de soleil, une chambre pleine de livres et de bric à brac qui se remplit toute seule, un oncle avec un cœur en or qui cuisine des nouilles au beurre, un garçon qui prend son vélo pour découvrir les alentours et, chaque jour, pousse un peu plus loin le hasard…
« Les vacances avaient la forme d’un escargot avec la maison au centre,
et je faisais des cercles de plus en plus grands pour tenter d’arriver au bord.
Et puis un jour, un été, j’y suis arrivé… »
Ce garçonnet passe chacune de ses vacances chez son oncle, un solitaire, Angelo ! Solitaire, l’enfant l’est aussi, disparaissant des journées entières en vélo à la découverte des routes environnantes. Un jour, il s’aventure un peu plus loin que d’habitude et découvre une chose qu’il n’avait jamais osé imaginer. Une vague immense qui le submerge : la mer.
« Pourtant je n’ai pas vu la vague la plus grande qui m’a submergée, celle qui est arrivée depuis la plage. »
Cette vague, c’est une frêle jeune fille, à longue robe, grand chapeau de paille, large sourire, léger accent anglais et petit chien. On dirait une héroïne de conte. L’enfant est subjugué.
C’est le soir seulement, à la nuit tombée, qu’il ose murmurer son nom tout bas comme un secret – Esther Andersen. Ces deux mots s’emparent de son cœur et bouleversent sa vie. Plus rien ne sera jamais comme avant.
Toutes ses errances dans la campagne n’ont désormais qu’un but inavoué à l’oncle (à qui on ne la raconte pas !) : retrouver la fille au petit chien.
On le savait, Timothée de Fombelle est plus qu’un poète… c’est un magicien, et il le prouve une fois encore. Le garçonnet d’Esther Andersen possède la même force qu’une autre des petites héroïnes du conteur : Capitaine Rosalie. Une blessure chez Rosalie, ici une émotion invisible, leur font faire une véritable révolution intérieure. Car l’enfant découvre un autre émerveillement : ce qui va faire battre plus vite son cœur est invisible aux yeux des autres.
Les illustrations tout en finesse d’Irène Bonacina, dignes d’un Sempé, servent à merveille cette histoire simple et belle comme l’éternité. Le dessin minimaliste, permet aussi au lecteur de s’identifier à tout âge.
On est sous le charme d’Esther Andersen, par la simplicité intense du choc de cette première fois. Et parce qu’avec ces ciels qui s’étirent à l’infini, cette nature dépouillée à perte de vue, les paysages, eux aussi invitent irrésistiblement aux premiers émois, aux commencements de la vie…
Esther Andersen
Timothée de Fombelle, ill. Irène Bonacina
72 p., Gallimard Jeunesse, 24,90 €
(dès 6 ans)
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