Le lauréat du Goncourt 2018, Nicolas Mathieu, concocte un album à partager avec malice entre petits et grands. Le secret des parents invite à découvrir enfin ce que cachent ces animaux étranges nommés « parents ».
« Il existe un secret qu’aucun enfant n’a jamais entendu. C’est le secret le plus secret, le mieux gardé, le pire de tous. Pourtant il suffirait d’être attentif pour découvrir le pot aux roses. Par exemple, n’avez-vous jamais remarqué les regards complices que s’échangent les parents lorsqu’ils se croisent le matin devant la porte de l’école ? Ne vous est-il jamais arrivé que les adultes s’arrêtent de parler d’un seul coup quand les enfants entrent dans une pièce, comme s’ils avaient peur d’être découverts ? Ces bouches ouvertes, ces grands yeux ronds qui vous fixent, ne vous ont-ils jamais semblé… bizarres ?»
Cela fait partie de ces albums qu’on lit avec tendresse et qu’on relira avec délectation, sourire en coin, parce qu’au creux des lignes surgit l’une des plus belles vérités du monde. « On est de son enfance comme on est d’un pays », disait Antoine de Saint-Exupéry, une maxime que Nicolas Mathieu ne renierait sans doute pas.
Kléber a six ans trois quart et l’air d’un petit garçon comme les autres. Quoi qu’un peu plus malin. Car le blondinet a découvert LE grand secret des adultes. On ne la lui fait pas, à lui ! Ca crève les yeux : en réalité, les adultes détestent les enfants. Et les preuves ne manquent pas, elles sont là sous votre nez.
Quand son père lui demande de ranger sa chambre en deux minutes, alors que Kléber sait objectivement qu’il lui faudra au moins une semaine pour en venir à bout, n’est-ce pas la preuve de la plus grande arnaque du monde ?
Seule sa grand-mère Tartine, reine de la tarte à la mirabelle, semble différente des autres adultes. D’après elle, les grandes personnes sont ainsi parce qu’elles ont tout oublié de leur enfance… Bêta, non ? Kléber se jure, lui, de ne jamais oublier. Pas question de se comporter de manière aussi stupide que les grandes personnes avec leurs silences gênés ou l’air de débarquer de Promixa du Centaure. Alors le garçon cherche un stratagème afin ne jamais oublier, multiplie les signes, griffonne des pense-bêtes dans ses cahiers, sur le mur de sa chambre, jusque derrière les armoires…
C’est bien longtemps plus tard, lorsqu’il sera devenu adulte à son tour, et qu’il aura lui-même des enfants – que bizarrement il aime car « les enfants vous font des choses dans le cœur que l’on n’imagine pas » – qu’il aura la révélation, la vraie. Il y avait bien un secret, oui, mais il était tout autre. Et ça, les parents se gardent bien de le crier sur les toits. Une chose bien cachée dans les replis du temps et de l’enfance, que l’on s’avou(r)e plus tard quand la nostalgie frappe à notre porte.
L’écrivain lorrain nous régale avec ce texte piqué de cette petite vérité qui fait le sel de la vie, illustré avec malice par Pierre-Henry Gomont aussi à l’aise dans ce registre que dans son adaptation remarquée en bande dessinée du roman d’Antonio Tabucchi, Pereira prétend (éd. Sarbacane). Un texte à mettre entre toutes mains pour faire pétiller encore et toujours nos grands yeux d’enfants.
Lire un extrait ici
Le secret des parents
Nicolas Mathieu, ill. Pierre-Henry Gomont
32 p., Actes Sud Junior, 16,50 €
(dès 6 ans)
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