Faut-il laisser les enfants lire seuls dès lors qu’ils sont en âge d’être autonome ? Dans J’ai peur de savoir lire, le romancier Olivier de Solminihac explore ce moment charnière pour inciter parents et enfants à poursuivre ensemble encore un peu l’aventure de l’histoire du soir.
« J’ai un nouveau cartable, bleu et jaune,
pour pouvoir mettre des kilos de papier dedans
et me muscler les épaules (…)
Et j’ai une nouvelle maîtresse, madame Valmore
qui nous dit que cette année les choses sérieuses commencent,
parce qu’on est sérieux quand on a huit-neuf ans. »
Stéphane vient d’entrer en CE2 et il a l’impression que tout va changer, d’abord il y a beaucoup plus de devoirs et tout le monde semble attendre qu’il accomplisse de gros progrès… en tout.
Cette année, lui demande sa mère, il s’agit de transformer les 3 en 8 sur 10. Bah facile pense Stéphane, car 3 c’est déjà la moitié de 8 (du moins en dessin) !
Enfin, facile… vite dit. Facile d’être bon en maths pour Sofia, qui « a avalé une calculatrice quand elle était petite » et pour Georges-Louis qui, s’il continue, « va bientôt donner des cours à la maîtresse », mais pas pour Stéphane. Alors le garçon s’accroche, et sa mère avec qui il vit seul, l’aide avec des jeux de dés par exemple. Jouer, c’est plus facile pour apprendre compter. Mais il y a aussi la lecture et le vocabulaire…
« Maman dit que la lecture c’est une question d’endurance, comme faire de la natation
ou du vélo ou du dessin : plus on en fait et plus c’est facile d’en faire. »
Alors tous les soirs, ensemble ils lisent, BD, romans et même le journal. Les livres se dévorent et s’empruntent à la bibliothèque. Au début c’est surtout pour que la lecture devienne plus fluide.
Et puis, très vite, les livres ont une drôle d’influence sur Stéphane : ils lui mettent des images plein la tête, des images de girafes, de cobalt, parfois de mots qu’il ne comprend pas, mais grâce à eux, il rêve un peu plus loin. Bientôt le moment de la lecture du soir devient incontournable.
Jusqu’au jour où sa maman, fière de ses progrès, lui dise : « A partir de maintenant, tu vas lire tout seul le soir. » La cata. Est-ce que Stéphane y arrivera ? Est-ce qu’il en a envie ?
C’est une nouvelle découverte qui l’attend…
« Le livre m’encourage, me dit de ne pas m’arrêter à la première difficulté, peu importe si je me trompe, peu importe si je ne comprends pas tout. Le livre a commencé à me captiver. Je suis prisonnier, mais la prison ne ressemble pas du tout à ce que j’imaginais. Les fenêtres sont ouvertes, on sent l’odeur du sel quelque part vers l’océan… »
Olivier de Solminihac qui a sous-titré avec humour : « un livre pour les enfants qui n’aiment pas encore lire tout seuls » conte avec délicatesse les aventures de ce garçon peu enclin à la lecture au départ et à qui, peu à peu, un monde nouveau s’ouvre. A travers cette histoire simple auquel le lecteur s’identifiera facilement, il entraîne l’enfant à s’interroger sur son rapport à la lecture. Et si les livres sont des chasses au trésor, comme le pense l’auteur, ce temps de lecture partagé est sans nul doute la plus belle partie du magot.
J’ai lu à mes enfants très tard chaque soir une, deux, dix histoires (allez, encore une !)… Et puis ils ont grandi. Pourtant nous avons perpétué ce rituel ou plus rien d’autre n’existe que nos voix et le texte qui nous embarque comme si nous faisions le même rêve. Aujourd’hui encore, avec ma fille de bientôt douze ans qui dévore seule romans, mangas et BD, nous gardons toujours un roman où nous nous retrouvons ensemble. Ce temps, bien sûr c’est bien plus que de la lecture…
Parents, je vous encourage à prolonger le plus possible ce moment magique qui contribue à engendrer de vrais lecteurs. Pour que chaque enfant puisse lire, grandir et clamer comme Stéphane :
« L’appétit vient en lisant.
Et c’est vrai que maintenant, tous les soirs, j’ai faim ! »
Miam !
J’ai peur de savoir lire
Olivier de Solminihac, ill. Juliette Baily
72 p. Mouche, l’école des loisirs, 8 €
dès 7 ans
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