Dans son nouvel album, Pablo et Floyd (Rouergue), l’auteur illustrateur Michel Galvin invite les enfants à un regard loufoque sur l’art. Un livre pétillant d’imaginaire, joyeux comme seul, l’art sait l’être.
« Je m’appelle Floyd et je suis l’ami de Pablo.
Comme tous les jours, je l’accompagne dans son travail, perché sagement sur mon tabouret. Il va peindre en bleu le troisième rocher de la colline jaune… Moi je n’en vois que deux !
Mais si ! Celui-là, là… sous le rocher rouge, à côté du noir. Les artistes sont un peu comme des fous, ils voient des choses que les autres ne voient pas. »
Question : pourquoi les flamants roses ont-ils le bec tout ratatiné ? A force de se cogner contre le réel voyons. Et le réel, Michel Galvin lui vole dans les plumes ! C’est que ce bougre d’illustrateur a l’imagination débordante. Dans son nouvel album, Pablo et Floyd, il embarque le petit lecteur à la recherche de l’invisible. Rien que ça.
La mission de son héros, Pablo – tout le monde aura reconnu derrière ce vocable, le grand Picasso – est de peindre ce que le commun des mortels ne voit pas. Un job à temps plein qu’il prend très au sérieux, même si tout cela est très amusant…
Pablo, petit homme court sur pattes, pantalon rouge, pull rayé marin et chapeau de paille vissé sur la tête, peint les rochers couleur azur « c’est ma période bleue ! » explique-t-il. On rigole. Quant aux arbres et autres éléments de la nature, ils n’ont qu’à bien se tenir, car Pablo les recouvre eux aussi de peinture multicolore pour mieux les révéler au grand jour et, accessoirement, éviter que son pote volatile ne se cogne dedans. Mais voyons, où est-il ce Floyd ? Serait-il un ami imaginaire ? Patience…
Ce Michel Galvin est un coquin, car en nous cachant Floyd, il introduit le doute et invite le petit lecteur à chausser les lunettes de l’artiste et à décaler son regard. Est-ce du 1er, du 2e ou du 3e degré ? Une chose est sûre, là sous nos yeux, nous assistons, humbles spectateurs, à la magie de la création : le peintre révèle ce qui ne se voyait pas et qui, pourtant, crevait les yeux. Ainsi va la puissance de la vision de l’artiste, inhérente à l’oeuvre, le regard est à l’intérieur : « La plupart des choses sont invisibles et attendent d’être peintes », explique-t-il. Et de nous clouer le bec.
Le plus beau, c’est que Pablo fait surtout ça pour son plaisir, peindre la nature, c’est beau et c’est rigolo aussi. Et voilà le petit homme de tartiner les rochers de violet ! Les montagnes rougissent, les arbres se nappent de jaune et les cailloux à pois blancs sont verts. Un travail infini… comme l’imagination.
Et quand Floyd tombe dans un trou profond invisible, Pablo se dépêche de peindre le trou en noir afin que son ami puisse en sortir, révélant enfin qui il est ! La création nous aiderait-t-elle parfois à sortir des ténèbres ? C’est le privilège de l’artiste, en créant des mondes parallèles que de nous aider à nous évader.
Michel Galvin prouve une fois de plus qu’il est un magicien des couleurs et de la vie. Chez Baudelaire, le poète affronte le réel avec peine, tant il vole dans les hautes sphères (Ses ailes de géant blablabla…). Ici, ce serait donc un peu l’inverse, l’artiste pointe du bout du pinceau, ce que le commun des mortels ne voit pas, et se faisant, il nous embarque dans son imaginaire et embellit tout simplement la vie…
Comme dans ses précédents albums : le drôlissime La Vie rêvée et Rouge, les albums de Michel Galvin révèlent une richesse et une drôlerie infinie. Au sommet de son art, il peint l’imaginaire pour mieux jouer avec nous. Un imaginaire aux matériau bien réels, faits de rocs, de blocs de pierre, parce qu’on peut faire léger avec du lourd. C’est toute la finesse et la puissance de cet album aux multiples lectures, visibles ou invisibles. Alors on ne peut que s’écrier : chapeau l’artiste !
Pablo et Floyd, sur le bord de l’invisible
Michel Galvin
48p., Le Rouergue, 16,90 €
(dès 5 ans)
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