Les éditions Thierry Magnier ont relooké leur collection Petite Poche. Une bonne occasion pour les 7-10 ans de redécouvrir ces mini-romans pour apprentis lecteurs. Des histoires courtes pour tous les goûts, sans images, pour lire comme les grands.
J’étais en train de battre Rajiv au jeu vidéo quand le téléphone a sonné.
C’est papa qui a décroché. Il a mis le haut-parleur et on a tous entendu une voix qui disait :
– Bonsoir, monsieur Toutcouleur. Vous êtes en direct sur la chaîne Télé 1 !
– Ce n’est pas drôle, a répondu papa qui était très fatigué parce qu’il rentre tard de son travail.
– Si vous ne me croyez pas, allumez votre téléviseur, a répondu la voix, toute joyeuse.
On a fait comme elle disait et, sur la première chaîne, il y avait le programme C’est votre jour de chance !
La chance, ce soir-là, la famille Toutcouleur n’est pas si sûre qu’elle ait frappée, à voir l’armada de journalistes qui attendent à leur porte, caméra braquée. Leur nom a été tiré au sort pour recevoir chez eux un invité de marque : le président de la République ! La faute au narrateur de l’histoire, le jeune Arsène qui a envoyé en cachette un bulletin de participation. Panique à bord chez les Toutcouleur : « Ça mange quoi un président ? », s’interroge la maman avant de décider : « Des pâtes. Pour que le Président voie comment vivent les gens ordinaires. » Ordinaires les Toutcouleur ? Pas vraiment. Une famille avec quatre enfants, tous adoptés, tous de couleurs différentes, c’est tout sauf banal. Fatoumata vient d’Afrique, Rajiv d’Inde, Arsène de Belgique et Elisa, la petite dernière, de Colombie. Un joyeux melting-pot avide de poser des tas de questions au Président. Tous sont très étonnés de découvrir que le Président aime tout et tout le monde… de l’Afrique aux joueurs de foot en passant par la cuisine de maman ! Mais quand Arsène lui demande s’il aime même les salsifis… surprise ! Le Président expérimentera à ses dépens une règle d’or chez les Toutcouleur qu’il n’est pas sûr d’aimer du tout…
Dans ce récit enlevé et hilarant, Yann Mens réussit à happer le jeune lecteur qui lira ce texte avec bonheur d’une traite. Le décalage entre invités et hôtes fonctionne à plein. Et en refermant le livre, une chose est sûre, on ne rêve que d’une chose, être invités à la table des Toutcouleur !
Lire un extrait d’une autre aventure des Toutcouleur : A bas la vaisselle !
Ce matin-là il faisait beau, chacun se préparait à partir pour la journée. La sonnette a retenti dans la maison.
C’était inhabituel, personne ne vient si tôt. Ma mère s’est levée pour ouvrir. Au son de sa voix, on la sentait surprise, elle ne semblait pas connaître ces visiteurs. Bien entendu, elle les a invités à entrer. Ils étaient nombreux, une dizaine peut-être. La plupart étaient très grands et ceux-là ne parlaient pas notre langue. Un seul, plus petit, de notre taille, la maîtrisait presque sans accent. C’était étrange car on ne l’avait jamais vu.
C’est un autre genre d’invités qu’évoque Charlotte Moundlic dans ce texte très percutant et juste. Dans ce pays-là, des hommes, des femmes et des enfants sont venus. Invités non. Mais ils ont demandé l’hospitalité. Alors la famille a poussé les meubles, déroulé les tapis, offert des collations : « On a dû se pousser pour leur faire de la place », mais c’était de bon cœur. L’un d’entre eux a demandé s’ils pouvaient tous rester encore un peu. La famille a dit oui, car ici « l’hospitalité est une valeur très importante ». Le village les accueille en fait par dizaines dans leurs maisons. Puis, ils sont restés. Peu à peu, ils ont échangé leurs coutumes, les habitants se sont mis à manger comme les étrangers, à apprendre leur langue jusqu’à… en oublier la leur. D’autres sont venus et ont fait travailler les familles pour les récoltes, et puis les céréales ont disparu, expédiées on ne sait où … Mais quand le père a protesté, ils l’ont frappé. Peut-être était-il temps de dire stop.
Dans ce texte en forme de conte qui, au tout premier abord, n’a l’air de rien, Charlotte Moundlic explique de façon très imagée et très efficace le processus de la colonisation. Comment une situation qui a l’air banale au départ bascule dans un processus de domination. Une arrivée en masse et insidieuse qui envahit tous les domaines, une culture qu’on vous impose jusqu’à devenir la seule légitime, l’exploitation des ressources, la dépossession de la langue et du territoire. Ce livre est un classique. A la fois très fort et très simple d’accès, il est à mettre entre toutes les jeunes mains pour échanger et réfléchir à des phénomènes liés à l’histoire et à l’actualité.
Les invités
Charlotte Moundlic
48 p., éd. Thierry Magnier,
coll. Petite Poche, 3,90 €
(dès 7 ans)
Ce matin, ils ont mis papi dans un grand trou. Un peu plus tôt, ils l’avaient mis dans une boîte, et juste avant, je l’avais regardé une dernière fois. Car c’est ça la mort : après, on se voit plus jamais.
J’ai du mal à bien comprendre. Pas les mots « on-ne-se-voit-plus-jamais » mais ce qu’ils veulent dire. C’est un peu trop grand pour mes idées. Ce serait plus facile si papi était arrivé un jour et puis qu’il était reparti ! Mais non : j’ai sept ans et demi, et il a toujours été là dans ma vie !
Emma se pose toujours beaucoup, beaucoup de questions. Et son père adore y répondre. Pourquoi le ciel est-il bleu ? Pourquoi il fait froid en hiver ? Il a toujours une bonne réponse. Mais depuis que son grand-père est mort, les questions d’Emma tournent autour de : « Ça sert à quoi la mort ? » « La mort, c’est la vie ? » et toutes ses questions ont l’air de faire très mal à la tête de papa… Emma ne comprend pas, pourquoi son père qui s’empresse d’habitude de lui répondre est soudain incapable de lui expliquer un truc aussi simple que : « à quoi sert la vie ? » Pourquoi tout devient si compliqué tout-à-coup ? Et pourquoi cette immense fatigue sur le visage de ses parents face à ses attentes ?
Ce joli petit texte de Mikaël Ollivier parle à la fois subtilement de la mort aux enfants, répondra en creux à des questions complexes et avec tendresse et humour au désarroi de tous, enfants et adultes, face aux grandes questions de la vie. Tout en les dédramatisant.
Mange tes pâtes !
Mikaël Ollivier
48 p., éd. Thierry Magnier,
coll. Petite Poche, 3,90 €
(dès 7 ans)
Allez, un petit dernier pour la route !
L’une de mes Petites Poches préférées reste Cinq, six bonheurs de Mathis (Prix Sorcières 2006), que j’avais chroniqué à sa sortie… il y a douze ans déjà !
L’histoire d’un petit garçon qui doit écrire une rédaction sur le bonheur et qui ne sait pas trop comment s’y prendre, alors il mène une enquête…
J’avais interrogé à l’époque pour Lire Junior, Emile, 8 ans, et recueilli ses impressions de lecture.
Lire un extrait du livre.
Cinq, six bonheurs
Mathis
48 p., éd. Thierry Magnier,
coll. Petite Poche, 3,90 €
(dès 7 ans)
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