C’est la Grande Guerre et la petite Rosalie a une mission secrète de la plus haute importance. Vraiment ? Timothée de Fombelle et Isabelle Arsenault nous font vibrer avec leur nouvelle héroïne, Capitaine Rosalie.
« J’ai un secret.
On croit que je dessine dans mon cahier, assise sur le petit banc, sous les porte-manteaux au fond de la classe. On croit que je rêve en attendant le soir.
Et le maître d’école passe à côté de moi quand il fait la dictée à ses élèves. Il pose sa main sur mes cheveux.
Mais je suis un soldat en mission. J’observe l’ennemi. Capitaine Rosalie.»
Dès les premières phrases, nous voilà pris. C’est comme ça une histoire de Timothée de Fombelle, une poignée de mots qui vous attrapent par la main, vous emmènent vous promener dans les bois et ne vous lâchent plus. Le romancier plante un décor un brin nostalgique, une petite fille toute fragile au dehors, forte et déterminée au-dedans, une mission à accomplir et vous voilà suspendus.
On est surpris par l’émotion qui se dégage de cette toute jeune enfant aux cheveux roux et moussus, sa petite bouille ronde, son béret, ses grandes chaussettes de laine qui moulent ses jambes potelées. Mais quelle est donc cette mystérieuse mission ? Et d’ailleurs n’est-ce pas pure invention ? Une enfant de cinq ans et demi a tellement d’imagination…
Rosalie est une petite fille sage et silencieuse. Elle ressemble à une élève comme les autres. Son père est à la guerre, sa mère participe à l’effort collectif en travaillant dans une usine d’obus. Observatrice, la petite fille dessine, les jambes pendantes sur sa chaise un peu trop haute pour elle. Comme les autres vraiment ? Erreur. Rosalie fait partie d’un bataillon très spécial, camouflée derrière les manteaux, au fond de la classe, elle n’en perd pas une miette… Pas une miette de ce qui se passe sur le tableau des grands, là devant.
Parfois, Rosalie guette à sa fenêtre le bruit lointain de la guerre dans ses moindres signes, les fracas des combats sont si abstraits pour une petite fille qui attend, solitaire, de longues heures à l’école que sa maman vienne la rechercher. Jusqu’au jour où…
Dans ce court roman, Timothée de Fombelle nous raconte la Grande Guerre par le biais du très intime. Il nous fait entrer par le chas de l’aiguille pour mieux piquer notre curiosité et nous faire voir de plus près ce qu’il se tricote par là. Cette petite fille douce, d’apparence fragile, va nous faire d’autant mieux ressentir l’âpreté, la douleur vive de la Der des Der. Puisque la plus grande perversion de la guerre c’est de fabriquer des secrets qui frappent ceux qu’on aime.
Lorsque l’on comprend qu’elle était sa mission – ne comptez pas sur moi pour la dévoiler – on a le cœur qui flanche. C’est là toute la simplicité et la poésie de l’auteur qui renoue ici avec la même sobriété douce que dans Victoria rêve. Et qui, en dévoilant le secret de son héroïne nous donne la chair de poule. La guerre n’épargne personne et, en même temps, elle révèle bien des batailles.
Car Rosalie, ce prénom bien trempé, surnom des baïonnettes que plantaient les soldats dans les corps ennemis, est à la fois la douceur, l’angélisme, l’innocence que la guerre vandalise et la détermination farouche du bois dont on fait les héros.
La palette contrastée d’Isabelle Arsenault faite d’anthracite et de feu, sert à merveille l’histoire qui endosse les habits dignes d’un conte anglais, avec ses grands espaces, ses silences et ce qu’il faut de neige. Les encres aquarellées aux nuances de gris accentuent le feu de la jeunesse solaire d’une petite fille pour qui la guerre ne signifie rien d’autre que d’attendre son papa. Et savoir ce qu’il devient exactement dans ce lieu mystérieux qu’on appelle la guerre devient la chose la plus importante du monde… Timothée de Fombelle nous régale une fois de plus par sa justesse et sa sensibilité. Poète…
Timothée de Fombelle présente Capitaine Rosalie
Le site d’Isabelle Arsenault
Capitaine Rosalie
Timothée de Fombelle, illustrations Isabelle Arsenault
64 p., Gallimard, 12,90 €
(dès 8 ans)
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