Nuit étoilée du Taïwanais Jimmy Liao vient de recevoir le Prix Sorcières. Une plongée poétique dans la vie de deux petits solitaires, avec escapade à la clé. Attention chef d’œuvre !
« L’année dernière, grand-père m’a offert un petit éléphant pour mon anniversaire. De temps en temps, le petit éléphant se transforme en un éléphant géant. Avant mes six ans, je vivais avec grand-père et grand-mère à la montagne. Là-haut, dans la nuit, les étoiles étaient si brillantes. A l’époque, papa et maman habitaient la ville. Ils me manquaient beaucoup. Aujourd’hui, Grand-père à la montagne et grand-mère au ciel me manquent énormément. Je ne sais pas depuis quand le silence s’est installé à la maison.»Cette petite brune, longiligne et solitaire, conte sa difficulté à vivre dans sa ville pleine de bruits anonymes. C’est comme un long silence dans lequel elle s’enferme et où elle se réfugie avec ses amis imaginaires. Elle a l’âge où l’on a l’impression que plus personne ne vous comprend. A la maison, ses parents semblent trop occupés, à l’école, les autres la tyrannisent… Elle cherche un refuge. Autrefois, elle le trouvait dans les nuits étoilées de la montagne où elle vivait, petite, avec ses grands-parents.
C’est toujours au moment où l’on croit que l’on va se perdre pour de bon que la vie vous rappelle à elle. Ici, elle vient sous la forme d’un chant dans une nuit magique emplie de neige. La voix est celle d’un garçon de son âge. Comme elle, il est solitaire et aime à admirer la nuit : « Il n’est pas rare que la lumière brille toute la nuit à sa fenêtre. Parfois elle me fait penser à un phare sur une mer obscure, quelque fois à une étoile tombée sur terre. »
Le blondinet l’intrigue, elle le suit dans ses promenades solitaires. Un jour, elle prend sa défense alors qu’il se fait attaquer par une bande de vauriens dans une ruelle, ils se retrouvent tous deux à l’hôpital. Faire une guerre ensemble, ça crée des liens. Les voilà qui flânent en bord de mer ou ailleurs. Ces deux-là semblent s’être trouvés.
Alors, ils fuguent, prennent un train de nuit, heureux de ressentir ensemble la beauté, l’intensité de l’aventure, la liberté au bord des rivières ou dans les chemins de hautes herbes.
Cette escapade, c’est probablement le moment le plus fort de toute leur vie. Et c’est cette aventure que nous fait vivre Jimmy Liao. Nuit étoilée est une bouffée d’air, belle et mélancolique. Cet album immensément poétique vient de recevoir le prix Sorcières dans la catégorie « Carrément beau maxi ». Un nom qui lui va à merveille !
C’est long parfois la naissance d’un livre. Inspiré par un fait divers lu dans la presse – la fugue de deux jeunes gens – Jimmy Liao a mis six ans à l’élaborer. Les couleurs joyeuses utilisées par le Taïwanais donnent une teinte particulièrement belle et chaude à cette escapade au pays de l’enfance, baignée dans une nuit étoilée digne de Van Gogh et ponctuée de références aux grands maîtres.
Les dessins allégoriques nous transportent avec ses verts acidulés comme la nature après la pluie, ses océans au bleu piscine, la fraîcheur de la neige que l’on aimerait cueillir au creux de nos mains, la douceur des cerisiers en fleurs, la profondeur de la nuit. Une nuit longue comme l’est une fugue d’amoureux. Là, nous laissant flotter sous un paradis étoilé, Jimmy Liao nous murmure que ce qui lie les êtres le reste à jamais.
Entretien avec Jimmy Liao
Nuit étoilée
Jimmy Liao, traduction Chun-Liang Yeh
144 p., HongFei, 19,90 €
(dès 8 ans)
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