Tout le monde connaît les albums de l’immense auteur illustrateur Claude Ponti, mais connaissez-vous son théâtre ? Dans Pluie visage soleil, il dévoile une autre facette de son talent. Huit courtes pièces à mettre en scène par les enfants, à la manière d’un Prévert ou d’un Ionesco. Un petit bijou, ciselé avec humour.
Le soleil est levé ?
Oiseau 2, les yeux fermés
Non
Oiseau 1
Quel paresseux ! C’est l’heure !
Au lever du soleil, j’ai ouvert un œil et un livre de théâtre. J’avoue, ça ne m’arrive pas tous les quatre matins. Pourtant, j’adore ça, le théâtre ! Etudiante, j’ai lu avec bonheur mon quota de pièces de Beckett, Ionesco, Anouilh ou de Obaldia, sans compter les classiques, Molière en tête. Alors découvrir le nom de Claude Ponti sur un livre de théâtre, ça m’a intriguée… je l’ai commencé et puis je ne l’ai pas lâché.
Pas tout-à-fait lui-même et pas tout à fait un autre, l’univers de Ponti est bien là, dans l’épure et le mot qui fait mouche. Ici point de poussins malicieux, de Tromboline ou de Foulbazar, point d’Okilélé. Quoique… Je les imaginerais bien dans la salle en turbulents spectateurs, à pouffer et applaudir ces oiseaux rigolos qui, peut-être, porteraient sur scène des masques de poussins…
Dans ces dialogues savoureux, il sera question de l’enfance, de scruter l’invisible, du grand et du petit, du jour et de la nuit. Ces huit courtes pièces en forme de pas de côté mettent en scène des enfants, des oiseaux, le soleil, la pluie, l’arc-en-ciel ou encore les parties d’un visage.
« Plic, ploc, plic, ploc… Comment savoir, quand il pleut, si c’est le ciel qui pleure… ou si ce sont les larmes des enfants tristes qui sont montées dans les nuages de ciel ? » Tandis que la pluie passe et repasse latéralement comme un personnage entre et sort de scène, deux enfants s’interrogent. Dans une logique bien à eux, ils réinventent le cycle de l’eau. Et les questions fusent : les larmes sont-elles salées car elles retournent à la mer ? La mer serait-elle triste ? Bien sûr que non voyons puisqu’il y a des poissons-clowns dedans !
Six oiseaux un brin râleurs, se demandent si le soleil n’aurait pas oublié de se lever ce matin. Serait-il devenu paresseux ? A moins qu’il ait eu une panne de réveil ? Et si le soleil était mort ? Il n’en faut pas plus pour déclencher des débats passionnés qui, soleil levé ou non, empêcheront nos oiseaux de dormir.
Délicats, savoureux, ces dialogues absurdes raviront les enfants qui se les approprieront avec facilité. Ils découvriront aussi un chat qui aimerait bien dormir en un rond parfait, et pour le vérifier il n’y a qu’à tourner autour… Des cartables qui ont peur de la rentrée des classes, des élèves à l’équipement ultra sophistiqué pour « sauter » de classe en classe ; un enfant-arbre qui cache la forêt ; une grosse Maoutagne un peu frimeuse pour nous parler de la relativité ; Quant à Grandes-oreilles, Petit-nez, Zieux-perçants et Bouche-en-cœur ne feraient-ils pas mieux de se réconcilier ?
L’auteur invite les enfants à s’emparer de ces huit scénettes pour les jouer. Car Ponti est avant tout un joueur, un amoureux du langage, un grand joueur de mots, un tripatouilleur de situations qui sait prendre un bout du réel, le secouer et lui mettre la tête à l’envers. Pour le reconstruire, plus doux, plus joli, plus étonnant. Ces personnages, grands questionneurs de tout et de rien, nous précipitent dans un imaginaire vivifiant et poétique. Et comme disait Prévert « La poésie, c’est le plus joli surnom que l’on donne à la vie. »
Huit textes courts, malins et délicieux, dont les professeurs d’écoles seraient bien inspirés de s’emparer. Rien de ce qui est poétique n’est étranger aux enfants et, ça, Claude Ponti l’a bien compris.
Voir la bibliographie de Claude Ponti
Pluie, visage, soleil
Claude Ponti
théâtre, l’école des loisirs, 62 pages, 7 €
(dès 7 ans)
Copyright photo : A. Ponticelli
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