Voici le retour attendu de la talentueuse américaine Emily Lokhart dont le premier roman traduit en France Nous les menteurs m’avait éblouie. Trouble Vérité manipule encore une fois le lecteur avec ses deux héroïnes au fascinant double-jeu. Addictif.
« Jule West Williams avait un physique quelconque. On ne lui avait jamais dit qu’elle était moche, pas plus qu’on ne l’aurait qualifiée de sexy. Elle n’était pas très grande (un mètre cinquante-deux) et se tenait toujours la pointe du menton levée. Ses cheveux courts coupés à la garçonne, avaient été teints en blond chez le coiffeur et commençaient à laisser entrevoir leurs racines. Yeux verts, teint de porcelaine, discrètes taches de rousseur. La plupart de ses vêtements dissimulaient sa silhouette athlétique. Les muscles lui gonflaient les bras et les jambes comme ceux d’une super héroïne de comics (…) Jule considérait que plus on transpirait à l’entraînement, moins on saignait sur le champ de bataille. Que le meilleur moyen de ne pas avoir le cœur brisé était de faire semblant de ne pas avoir de cœur tout court. »
Adeptes des page-turners, voici avec quelques mois d’avance votre roman de l’été ! Emily Lokhart manie avec brio un récit de poker-menteur qui avance au rythme fulgurant d’un comics book. Truffé d’indices et de fausses pistes, Trouble Vérité dessine des personnages complexes dans une chronologie originale, avançant ses pions à rebours, délivrant vrais et faux indices au compte-gouttes, au lecteur de faire le tri. Prêts à rembobiner l’histoire ?
Qui est Imogen Sokoloff, jeune héritière assoiffée de séduction ? Qui se cache vraiment derrière Jule West Williams, sa meilleure amie ? Qui se fait passer pour qui ? Qui trompe qui ? Raconter cette Trouble Vérité est une gageure et surtout ferait perdre le sel de la force du récit. Mieux vaut le découvrir vierge.
On pourra tout de même planter la toile de fond, celle d’un décor de rêve de petite fille riche, comme l’était déjà Beachwood Island, le refuge insulaire de la bande d’ados richissimes de Nous les menteurs. De la villa avec piscine et jacuzzi de Martha’s Vineyard, en passant par San Francisco, l’appartement londonien de St John’s Wood ou encore un Grand Resort au Mexique, voici la cavale d’une jeune fille qui n’a pas froid aux yeux, prête à tout pour arriver à ses fins, maquiller son identité et ses traces. Athlétique et aguerrie au self-defense, ne se déplaçant jamais sans sa valise chargée de perruques, de gloss de toutes les couleurs et d’une cargaison de vêtements assortis à ces différentes personnalités, il y a de l’héroïne de manga dans ce personnage, quelque chose de l’Uma Thurman de Kill Bill, car « Jule est le genre de jeune femme qu’on aurait tort de sous-estimer. » Est-ce une guerrière solitaire ? Une espionne ? Un escroc en cavale ?
Emily Lockhart mène d’une main de maître la rencontre fatale de ces deux jeunes femmes, deux personnalités fortes, belles, ambitieuses, toutes les deux orphelines, vénérant Dickens et les hôtels de luxe. C’est le roman de la fuite, de la réinvention permanente de l’histoire. Multipliant les fausses et les vraies révélations, le lecteur prendra un plaisir fou à reconstruire lui-même le puzzle, car ce roman fascinant est construit en remontant le temps et délivre ses clés avec parcimonie. L’héroïne d’Emily Lokhart s’ingénue à duper ses victimes et encore plus le lecteur qui éprouvera des sentiments qu’il risque de regretter peut-être un peu plus loin… Un sacré tour de passe-passe ! Attention, une fois ce roman commencé, vous ne le lâcherez plus. Vous voilà prévenus.
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Trouble Vérité
E. Lockhart, traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Peronny
302 p., Gallimard Jeunesse, 15,50 €
(dès 13 ans)
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