Frédéric Vinclère dessine le portrait d’un jeune à la croisée des chemins. Nos bombes sont douces, c’est le roman des premiers choix, des premiers écarts de la vie, des premiers engagements. Un roman 100% ado.
« J’ai le soleil dans les yeux. Ça ne me gêne pas, j’ai l’habitude. Il suffit de plisser les paupières pour réduire la lumière, de ne pas quitter le ballon du regard, même s’il se trouve à l’opposé du terrain, de ne pas oublier non plus les deux ou trois joueurs adverses les plus dangereux, les créateurs d’occasions, les animateurs du système. (…) Je sors d’une saison exceptionnelle en National 3. Pas de quoi pavoiser quand on vise le professionnalisme, mais suffisant pour s’enorgueillir à dix-sept ans. Le Stade rennais m’a supervisé pendant cinq semaines avant de m’inviter à cette journée, dans l’optique de me faire intégrer son centre de formation. Le Saint Graal de tout jeune footeux qui se rêve. Je suis aux portes, il n’y a que le seuil à passer, alors pourquoi je flippe ? »
Depuis toujours, Joris veut jouer en « pro ». Le foot, il l’a dans la peau, et toute sa famille le soutient, surtout son père, si fier, tellement sûr qu’il va devenir un grand gardien de but. Cette journée de détection sera une consécration, la preuve ultime que le foot est son destin. Mais Joris n’est pas retenu. Que s’est-il passé ce jour-là ? Que va-t-il devenir ? A l’aube de ses dix-huit ans, toutes les certitudes du jeune homme s’effondrent. Pourquoi est-il fait ? Comment son père va-t-il réagir ? Et la jolie Margaux dont il est amoureux depuis toujours ? « Une fille entourée d’une muraille » qui persiste à l’appeler par son nom de famille et le toise.
Joris en a marre d’« être le rêve des autres. » Le foot, c’était surtout une idée de son père. Alors il fuit la maison, traîne avec son oncle. Jean-Phi, l’original de la famille, a créé une association de jardinage urbain. Il recouvre le béton de la ville avec des graines que lui et sa bande des Poucets – de drôles d’adultes bizarres et passionnés – plantent un peu partout, ils appellent ça la « guérilla jardinière ». Il y a Maddie, Mathilde et puis Tiphaine dont l’oncle est sûrement amoureux. Joris a abandonné le lycée, alors pourquoi pas ? Après tout, lui aussi à une guerre à mener, une guérilla avec lui-même, mais quand même. Eh puis, c’est beau de revégétaliser la ville.
Tout s’accélère lorsqu’un projet de Centre commercial menace un bois et des terrains verts à la sortie de la ville. Un projet qui pourrait faire basculer la vie de tous : perte de revenus pour les commerçants du centre-ville, marché juteux pour d’autres et surenchère de béton assurée pour tout le monde ! Suffisant pour que les Poucets passent à l’action. Non violente bien sûr. Enfin presque.
« C’est épuisant les puzzles, je ne sais plus par quel bout me prendre. » L’histoire de Joris, c’est celle d’un ado à la croisée des chemins, une mini-révolution et une pelletée de décisions à prendre ! Parce qu’il faut en passer par là, lancer un ballon très haut, sans savoir dans quel camp il va rebondir, la manière dont on va le saisir, mais se jeter dans la mêlée, puis tenter de tracer des lignes.
En choisissant de le confronter à des intérêts économiques et éthiques contraires, Frédéric Vinclère fait société. Grâce à cette focale, il place son héros au cœur des débats d’actualité, parce que quitte à évoluer, autant se jeter dans le monde et s’engager avec les autres. Et jouer collectif, ça, Joris sait le faire.
Avec ce roman d’apprentissage bien rythmé, Frédéric Vinclère, nous embarque dans la peau de ce jeune en mutation. A l’instar du héros de Jo Witek dans Premier arrêt avant l’avenir, Joris fait sa révolution douce : faire voler sa vie en éclats, tenter un pas de côté, saisir d’autres mains, ne plus faire ce qu’on attend de lui, désobéir peut-être, pour mieux se reconquérir et tracer sa voie. Grandir, quoi.
Nos Bombes sont douces
Frédéric Vinclère
188 p., Calicot, 10 €
(dès 14 ans)
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