J’adore les livres, drôles et bien enlevés sur le bonheur de vivre – au bord la crise de nerf – en famille ! Voici deux histoires courtes irrésistibles à dévorer, seul ou à plusieurs voix, pour mieux se poiler et peut-être s’identifier.
Vous aimez les familles un brin déjantées ?
Lisez Mon père est une saucisse !
L’intarissable Agnès de Lestrade raffole croquer les petits désarrois familiaux qui nous posent de bonnes questions : comment le grand chaos familial peut-il rester un joyeux noyau constructif où chacun peut s’épanouir et trouver son compte ? Le père de Balthazar, de Séraphine et de Lubin en a sa claque de compter toute la journée des colonnes de chiffres qui montent et qui descendent. Tandis que sa femme, trépidante superwoman et PDG de l’entreprise familiale Sucre et compagnie, créée par son arrière-grand-père, court le globe pour son business, le père lâche une bombe au dîner : « Je change de métier. Je veux devenir comédien ».
Enfants catastrophés, marmaille en pagaille et retour de la beauté fatale au foyer qui espère bien faire changer d’avis le gentil mari démissionnaire. Mais que nenni, c’est sans compter le ras-le-boulier du comptable pour qui les chiffres n’ont plus aucun sens. Un compromis d’une année sabbatique rassure toute la famille et voici notre papa-gâteau transformé en acteur studio. Mais son premier rôle, il le décroche dans une pub où il doit jouer une knacki, avec costume sur mesure !!! Un récit désopilant de cette journée folle, semée d’embûches, pour un père déguisé en saucisse et qui, grâce à sa petite Séraphine, ne sera pas grillé pour ce rôle bien en chair. Un vrai régal !
Vous avez deux filles qui se tirent les couettes et s’étripent dès que vous tournez les talons ? Offrez-leur J’aime pas ma petite sœur/Je veux être la grande ! Un opus désopilant et criant de réalisme de la collection Boomerang. Deux versions de la même histoire, vue par deux personnages aux caractères opposés. Face A on enfile les lunettes de la « petite », on retourne. Face B, c’est le regard de la « grande » sœur qui vous cueille. D’un côté les obsessions, l’imagination débordante et les lubies sadiques de la petite.
« Elle se croit belle mais elle est moche !
Elle fait trop sa belle !
Tout le temps ça m’énerve !
Elle croit qu’elle sait tout parce qu’elle est grande !
Mais elle fait jamais rien !
Avec ses copines devant la télé !
Elles sont plantées comme des patates ! »
Du côté de l’aînée, les jalousies et la détermination pour en finir une bonne fois pour toutes.
« Je sais que c’est mal.
J’essaye de l’aimer ma petite sœur.
Mais c’est plus fort que moi.
J’arrive pas à m’empêcher de la détester.
Mais je l’aime aussi des fois.
Quand je la vois pas.
Quand elle est partie en vacances.
Quand elle est allée chez une copine.
Là je l’aime.
Mais sinon je la déteste de tout mon cœur. »
Un texte scandé des deux côtés, comme si on se trouvait dans la tête de l’enfant, un texte comme un cri, un trop-plein, un ras-le-bob, trop d’émotions, une envie de fugue, de meurtre, une envie de vengeance ou peut-être de réconciliation. Mais plus elles crient qu’elles se détestent, plus l’amour, évident, surgit entre les lignes.
Sébastien Joanniez dont j’avais beaucoup aimé Même les nuages, je ne sais pas d’où ils viennent et les albums Entrez ! ou Noir grand force le respect avec ce livre miroir. Un texte d’une force absolue car il révèle implicitement les sentiments complexes qui unissent les sœurs : cruauté et meilleures intentions du monde, jalousie et aspiration, manipulation et transmission, fuite et fusion. Une histoire de lien indéfectible avec lequel il faut apprendre à vivre. Un cordon d’incendie à ne pas rompre mais à manier doucement, sans avoir à appeler les parents qui aiment trop jouer les pompiers. Et au-delà de cette belle réflexion, une bonne dose de rigolade et de dédramatisation assurée !
Mon père est une saucisse, dès 8 ans
Agnès de Lestrade,
Le Rouergue, coll. Dacodac, 62 pages, 6,60 €
J’aime pas ma petite sœur/Je veux être la grande (dès 6 ans)
Sébastien Joanniez
Le Rouergue, coll. Boomerang, 48 pages, 6 €
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